Par voie d’arrêté, le gouvernement vient d’autoriser la prescription et l’administration de midazolam par les médecins généralistes. Cette molécule, aussi connue sous son ancien nom commercial Hypnovel, est un anxiolytique d’action rapide utilisé notamment pour les sédations en fin de vie. Sa rapidité d’action « le rend très souple et très maniable », mais « mal dosé ou surdosé, le midazolam peut tuer – et non plus seulement endormir – en quelques heures », pointe le docteur Jean-Marie Gomas [1] (cf. Midalozam : le médecin accusé d’avoir tué cinq patients pourra de nouveau exercer ; Euthanasie : le président de la Fédération des médecins de France entretient l’ambiguïté).
Publié le 17 décembre au journal officiel, cet arrêté avait été annoncé par l’ancienne ministre de la santé, Agnès Buzyn, en février 2020 (cf. Agnès Buzyn annonce la dispensation en ville du midazolam injectable d’ici 4 mois), elle-même poussée par les recommandations de la Haute Autorité de Santé (cf. Sédation profonde et continue jusqu’au décès : La Haute autorité de santé recommande un changement de réglementation). Annonce reprise par le ministre de la santé, Olivier Véran, lors de l’examen de la proposition de loi Falorni sur l’euthanasie en mars dernier (cf. Le Sénat rejette l’euthanasie, le gouvernement fait des annonces), puis en septembre alors que le ministre détaillait le cinquième plan national de développement des soins palliatifs (cf. 171 millions d’euros pour les soins palliatifs).
Déjà autorisé à l’hôpital et en hospitalisation à domicile, cette molécule est bien connue des services de soins palliatifs, mais très peu des médecins généralistes. « La difficulté n’est pas tant médicamenteuse qu’organisationnelle » estime Olivier Mermet, membre du comité de pilotage du plan national de développement des soins palliatifs. « Ce qui est complexe, c’est tout l’environnement à mettre en place autour d’une pratique sédative à domicile ou en établissement. Dans certains cas, comme pour une sédation profonde et continue jusqu’au décès, la démarche collégiale est obligatoire. Il faut déjà pouvoir l’organiser. Sans oublier qu’il faut absolument prévoir un lit de repli s’il y a un problème. Et puis, il y a aussi l’aspect surveillance du patient, l’accompagnement. (…) C’est une technique un peu complexe pour les médecins généralistes qui n’ont pas l’habitude d’utiliser ce type de produits. Ce n’est pas quelque chose qu’ils font tous les jours, ils auront besoin de conseils » [2].
Une réalité qui inquiète Marion Broucke, infirmière en soins palliatifs : « L’Hypnovel demande une adaptation continue, une évaluation heure par heure. Les médecins généralistes ne sont pas tous bien formés à ce type de médicaments. J’ai peur qu’il y ait des drames. D’autant qu’en milieu hospitalier, les sédations se décident après une réflexion collégiale. À domicile, comment le médecin va-t-il acter la procédure ? On est face à un défi énorme de formation »[3]. Car certaines régions ne bénéficient toujours pas d’équipes mobiles de soins palliatifs, sur lesquelles les médecins généralistes pourraient s’appuyer.
La mise à disposition du midazolam aux médecins généralistes soulève donc, pour le moins, un énorme défi de formation, et réclame la mise en place d’une réelle collégialité pour prendre la décision d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès. Cette pratique, érigée en “droit” par la loi la loi Claeys Leonetti, est en effet à risque de dérives euthanasiques, et ce nouvel arrêté vient la démocratiser un peu plus. Les défis organisationnels, garde fous, seront-ils relevés ?
[1] La Croix, Alice Le Dréau (17/12/2021)
[2] Egora, Marion Jort (14/10/2021)
[3] La Croix, Alice Le Dréau (17/12/2021)