Fin de vie : liberté, dignité, laïcité ?

16 Jan, 2023

« Il y a eu d’abord l’accaparement de la dignité. Puis l’invocation de la liberté. Maintenant la mise en avant de la laïcité. » Dans une tribune pour le journal Le Figaro, Pascale Favre, médecin, doctorante en philosophie et coauteur avec le Dr Jean-Marie Gomas de Fin de vie : peut-on choisir sa mort ?, dénonce que l’« appel à la République » ait rejoint « les notions philosophiques » dans une tentative de justifier l’administration de la mort. Et « l’euphémisation fréquente du discours, visant délibérément à modifier notre perception des choses, ajoute à la confusion », déplore-t-elle.

Or « le vocabulaire ne se réinvente pas ». En effet, « la plupart des mots sont officiellement reconnus par les tutelles voire inscrits dans la loi depuis des années ». S’agirait-il « surtout d’officialiser un peu plus, dans les pas de l’avis 139 du CCNE, l’expression aide “active à mourir” » ? interroge le médecin (cf. Fin de vie : un nouveau groupe d’experts pour “travailler sur les mots”). « Certains mots se veulent rassurants mais manquent alors de légitimité » (cf. Euthanasie : « ce n’est pas le mot qui est violent, c’est bien l’acte qu’il désigne »).

Des « éléments de langages »

Pascale Favre souligne les « éléments de langages » employés sur le sujet de la fin de vie. « Cacher derrière l’expression “mourir dans la dignité” le principe de l’euthanasie sans le nommer, c’est une tout autre proposition, radicalement indépendante de l’affirmation princeps », souligne-t-elle. « Si l’on parle de mort “choisie”, alors on sort du cadre soignant ».

Pour la philosophe, « l’invocation de la “laïcité” » est « superfétatoire ». « La laïcité n’est pas une opinion parmi d’autres mais la liberté d’en avoir une », rappelle-t-elle. En prétendant que « l’euthanasie garantit la liberté de conscience », « d‘aucuns en déduisent qu’elle serait la caution d’une conscience libre et éclairée, qu’elle permettrait une représentation de la mort aseptisée parce qu’épurée des références religieuses, ou encore qu’elle serait le socle de la clause de conscience accordée aux praticiens auxquels on demande un geste létal ». Mais « cette clause de conscience déontologique qui permet aux médecins de rester dans leur mission soignante n’est-elle pas question de droit plutôt que de confession ? ».

Une conception « restrictive » de la liberté

Dans les « discours relatifs à la fin de vie », la liberté « est entendue de manière restrictive comme une autodétermination : il s’agit de vouloir choisir par soi-même pour soi-même », analyse Pascale Favre. Cependant « l’exercice de la liberté exige l’existence d’un choix, donc la possibilité de l’accès à une prise en charge médicale adaptée ». « Ce dont une majorité de Français ne disposent pas à ce jour », rappelle le médecin (cf. Cinquième plan pour les soins palliatifs : des ambitions, peu de moyens).

L’exercice de la liberté « requiert encore une absence de contrainte ». Or « les injonctions sociétales s’inscrivent bien vite dans le cœur des plus vulnérables ». Le résultat : « nombre de demandes de mort sont prononcées pour éviter les tourments de l’isolement et de la carence de la prise en charge, voire pour “ne pas devenir un fardeau” pour les proches ». « Est-ce là une liberté ? », interroge Pascale Favre.

 

Source : Le Figaro, Pascale Favre (13/01/2023)

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