Fin de vie : « médecine de l’accompagnement » ou « médecine de la mort donnée » ?

26 Jan, 2024

Dans une tribune publiée par la Croix, Emmanuel Hirsch, professeur émérite d’éthique médicale se demande ce « que révèlent de nos attentes et de nos conceptions de la vie et du vivre-ensemble » les débats sur la fin de vie. Qu’impliquera une nouvelle loi pour l’exercice de la médecine ?

« Renforcer ce qui fait société »

L’unité nationale se renforcerait-elle « dans la promesse d’émancipation que représenterait une libération du droit à mourir selon son choix ? » Cet engagement serait-il « plus tenable » que celui d’assurer à tous les droits permettant « une existence en société digne d’être vécue ? » interroge le professeur.

« Être reconnu, respecté et accompagné dans son parcours de vie sans que soit suspectée sa raison d’être » (cf. « Etre regardés, soulagés, accompagnés, mais pas tués »), « avoir le sentiment d’appartenir à une société qui ne considère pas primordial (..) l’apaisement par la mort de souffrances existentielles, n’est-ce pas l’espérance de chacun d’entre nous ? » poursuit-il.

« Penserait-on un instant débattre de l’opportunité de légiférer sur l’aide active à vivre ? » fait remarquer le professeur. Cela pourrait pourtant nous donner « de bonnes raisons pour repenser et renforcer ce qui fait société » (cf. « La fin de vie n’est pas avant tout un sujet de liberté individuelle mais de solidarité collective »), et rappeler « ce qui relève ou non de priorités éthiques et politiques » relève le professeur.

« Nous n’avons pas à accepter d’en être ainsi dépossédés »

« Attendons-nous d’une instance politique qu’elle nous assure les conditions d’une mort volontaire, administrée par des soignants délégués à cette tâche ? » alerte Emmanuel Hirsch (cf. Projet de loi sur la fin de vie : « le mépris affiché à l’égard de soignants désormais qualifiés de secouristes à l’envers »). « Est-ce au président de la République d’en décider en notre nom ? » interpelle-t-il encore.

Alors qu’Emmanuel Macron brigue « la prérogative régalienne de décider » de l’évolution de la législation sur la fin de vie (cf. Fin de vie : le président de la République « assume de prendre le temps »), Emmanuel Hirsch se dit « réticent » face à la « politisation » du débat. Il prévient : « la société civile ne doit pas accepter que l’exécutif décide du contenu d’une nouvelle loi qui concerne chacun, intimement ». « Nous n’avons pas à accepter d’en être ainsi dépossédés » poursuit-il (cf. Fin de vie : « Est-ce à l’ensemble des Français de décider ce qui est bon pour les malades ? »). La société doit reprendre l’initiative, il s’agit là d’une « urgence politique ».

« Le législateur a tenté jusqu’à présent de préserver l’équilibre entre accompagnement dans la vie et accompagnement jusqu’à la mort », de trouver « les limites entre la sollicitude et l’abandon » constate Emmanuel Hirsch (cf. En fin de vie, accompagner avec « bientraitance »). Si une avancée devait s’imposer, elle devrait concerner notre « présence » auprès de celui qui souffre poursuit-il.

« Intégrer à notre conscience sociale le souci de la personne démunie de la certitude de son lendemain, maintenir à son égard la sollicitude d’une bienveillance, est une position peu conciliable avec l’empressement de fixer les conditions légales de l’abolition de sa vie » alerte le professeur.

« Qu’adviendra-t-il de la figure éthique du médecin ? »

Que le médecin « accorde la mort comme dernier acte d’un soin dont l’aboutissement serait envisagé dans l’exercice d’une médecine du mourir ou du faire mourir, interroge les fondements de la démarche médicale » s’indigne Emmanuel Hirsch (cf. Claire Fourcade : « Je suis médecin, la mort n’est pas mon métier »). « Qu’adviendra-t-il de la figure éthique du médecin auquel il ne s’agirait plus seulement de confier notre vie mais aussi notre mort ? » alerte-t-il (cf. « Si on légalise l’euthanasie, cela fera exploser le monde du soin »).

« Pour un soignant, la relation de confiance s’atteste-t-elle dans l’engagement à ne pas s’exonérer de la fonction d’aide active à mourir, ou dans la persistance d’une présence assumée comme le témoignage d’un lien de vie » (cf. Fin de vie : « aider chacune et chacun à garder le goût de vivre »), « d’une résistance éthique qui n’abdique pas ? » interpelle le professeur .

« Lorsque l’assistance médicale peut alternativement relever d’une médecine de l’accompagnement ou d’une médecine de la mort donnée, il semble délicat de fixer des lignes de conduite invulnérables aux risques de concessions, (..) de soumission à des impératifs de tous ordres » prévient Emmanuel Hirsch (cf. « Les pratiques euthanasiques rendent moribonds les soins palliatifs »).

 

Source : La croix, Emmanuel Hirsch (23/01/2024)

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