Au lendemain de la décision de la Cour Suprême des Etats-Unis sur l’avortement (cf. Avortement : la décision de la Cour suprême entre réactions et interprétations), la présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée, Aurore Bergé[1], a déposé une proposition de loi « visant à inscrire le ‘droit à l’avortement’ dans la constitution française »[2].
Cette proposition n’est pas nouvelle : elle avait déjà émergé lors de la précédente mandature. A l’époque elle provenait de députés socialistes, communistes et insoumis mais n’avait pas été soutenue par le groupe LREM (cf. L’IVG et la contraception n’entreront pas dans la Constitution française). Ce weekend, le gouvernement s’est aussitôt déclaré favorable, par la voix d’Elisabeth Borne. Les députés du Rassemblement national n’excluent pas de voter le texte même s’ils estiment que le sujet n’est pas prioritaire. Le président du Modem a de son côté fait savoir qu’il n’était « pas pour », ne comprenant pas « que ce qui se passe aux Etats-Unis entraine des réactions effervescentes dans la vie politique française ». Une position partagée par le sénateur LR Bruno Retailleau.
Concrètement, une modification de la Constitution doit être adoptée par l’Assemblée et le Sénat dans les mêmes termes, puis validée par référendum ; ou reprise par le président via un projet de loi qui doit alors être adopté par le Parlement à la majorité des 3/5ème. Une telle procédure a-t-elle des chances d’aboutir dans le contexte actuel ? Les députés LREM en débattront dès demain « au petit déjeuner ».
Cette proposition, qui n’était pas dans le programme électoral d’Emmanuel Macron, relève d’un certain opportunisme politique. De nombreux commentateurs ont en outre soulevé l’incohérence de la situation : toutes les décisions prises par une Cour constitutionnelle étrangère n’entrainent pas la modification de notre Constitution.
De son côté, Clément Beaune, ministre délégué chargé de l’Europe et député de Paris, a profité du contexte pour réitérer sa proposition de faire entrer le « droit » à l’interruption volontaire de grossesse dans la charte des droits fondamentaux de l’UE (cf. Intégrer le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE ?, L’avortement dans la Charte des droits fondamentaux : une simple déclaration symbolique ?, « Il n’y a pas de droit à l’avortement reconnu en droit européen ou international »).
Pourtant, le « droit » à l’avortement n’existe pas (cf. L’IVG, un “droit fondamental” ? “Cela rendrait la constitution illisible”, Pourquoi l’avortement n’est pas un droit de l’homme). C’est bien celui de ne pas avorter qui devrait être garanti, en mettant en œuvre une véritable politique de prévention (cf. La prévention de l’avortement : garantir le droit de ne pas avorter).
Complément du 6/09/2022 : Dans une interview pour le Figaro, Aurore Bergé annonce que ce texte sera débattu fin novembre à l’Assemblée. Source : Le Figaro, Loris Boichot (1/09/2022)
[1] Accompagnée de Marie-Pierre Rixain
[2] « Nul ne peut être privé du droit à l’interruption de grossesse »