GPA : une proposition de loi pour interdire le recours à une mère porteuse déposée devant le Sénat

Publié le 3 Juin, 2024

Le 3 mai, Valérie Boyer (LR) et plusieurs de ses collègues sénateurs du groupe Les Républicains (LR) [1], ont déposé devant le Sénat une proposition de loi visant à lutter contre le recours à une mère porteuse. Cette décision fait suite au constat que, malgré la décision du Conseil constitutionnel de 1994 [2] selon laquelle la dignité de la personne humaine est un « principe à valeur constitutionnelle », plusieurs décisions récentes ont fragilisé ce principe (cf. En France, le marché de la GPA en plein essorVers l’acceptation de la GPA en France : deux hommes reconnus parents par la Cour de cassation ; GPA : la « complaisance » de la France ?).

Une proposition de loi française sur la GPA

Le 3 mars 2023, la Déclaration de Casablanca, signée par une centaine de juristes, médecins et psychologues de 75 nationalités, « appelle les Etats à s’engager dans le cadre d’une Convention internationale pour l’abolition universelle de la gestation pour autrui et pour promouvoir un contexte mondial de refus de la GPA, susceptible d’entraîner de nombreux Etats dans ce sillage vertueux » (cf. Des experts de 75 pays demandent l’abolition de la GPA ; « La GPA relève de la traite humaine en ce qu’elle organise l’utilisation de la femme » ; « La GPA ne peut pas être éthique, car il ne peut être éthique de disposer d’un être humain »).

Cependant, malgré cette initiative, le Parlement européen votait en décembre 2023 en faveur du certificat européen de parentalité qui instaure une reconnaissance automatique, par tous les Etats membres, de la parentalité établie dans un autre Etat membre, « quelle que soit la manière dont l’enfant a été conçu ou est né, et quel que soit le type de famille de l’enfant » (cf. GPA : le Parlement européen vote en faveur du « certificat européen de parentalité »). Puis, le 23 avril dernier, l’exploitation de la GPA a été reconnue comme une forme de traite humaine par l’Union européenne après un vote à la quasi-unanimité des parlementaires européens (cf. “Exploitation de la GPA” : une forme de traite des êtres humains selon le Parlement européen).

Au niveau national, alors qu’une proposition de loi [3] déposée en octobre 2014 par Jean Leonetti à l’Assemblée nationale avait été rejetée par la majorité socialiste, les Républicains ont déposé un nouveau texte au Sénat (cf. Interdire la GPA en France ?Projet de loi bioéthique au Sénat : une volonté de consolider l’interdiction de la GPA en France ; Une proposition de loi pour réaffirmer l’interdiction totale de la GPA en France). En dépit de l’interdiction de la GPA dégagée en 1991 par l’assemblée plénière de la Cour de cassation, entre 2000 et 2500 enfants naissent par GPA en France posant de nouveaux défis au législateur. De plus, plusieurs plaintes déposées en France contre des agences américaines de mères porteuses n’ont donné lieu à ce jour à aucune poursuite par les tribunaux français. « Tirant les conséquences de ce décalage entre les déclarations de condamnation de la GPA et la faiblesse de sa sanction, plusieurs propositions de loi ont été déposées par les Républicains, visant d’une part à lutter contre le recours aux mères porteuses [4], et d’autre part à inscrire le principe d’indisponibilité du corps humain dans notre Constitution [5] » expliquent les promoteurs du texte déposé au Sénat (cf. GPA : une proposition de loi constitutionnelle en France).

Une interdiction explicite de la GPA

Composée de cinq articles, la proposition de loi prévoit dans son premier article l’interdiction explicite de « la procréation ou la gestation pour autrui » au sein du code civil. Les rédacteurs de la proposition de loi font remarquer, qu’à ce jour, « seul existe le délit d’incitation à abandon d’enfant, qui diffère de la GPA car il ne prend pas en compte l’utilisation de la femme afin d’obtenir une grossesse » (cf. GPA en France : une affaire classée sans suite ; GPA en France : le ministère de la justice demande de ne pas engager de poursuitesGPA ukrainiennes : cinq plaintes déposées pour « incitation à l’abandon d’enfant » ; GPA en France : l’Aide sociale à l’enfance refuse de payer les factures).

L’article 2 de la proposition de loi a pour objectif « d’étendre le champ d’application territoriale de la loi pénale française à l’ensemble des atteintes à la filiation commises à l’étranger par un Français ou une personne résidant habituellement sur le territoire français pour la provocation à l’abandon d’enfant, l’entremise en vue de l’abandon d’enfant ou d’une gestion pour autrui, la substitution ou la dissimulation d’enfant, et la provocation à la GPA ou sa présentation sous un jour favorable ». A titre d’exemple, les sénateurs à l’origine du texte citent le salon « Désir d’enfant » organisé à Paris chaque année en septembre depuis 2020 (cf. PMA et GPA : Le Salon « Désir d’enfant » de retour à Paris ; GPA en France : « le droit recule une nouvelle fois devant le pouvoir financier »).

Quant à l’article 3, il porte sur la répression des intermédiaires et des comportements incitant au recours à la GPA (cf. GPA : un site internet « manifestement illicite »). L’article 227-12 du code pénal prévoira en cas d’entremise en vue de l’abandon d’un enfant ou d’une GPA des peines de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, contre 1 an d’emprisonnement et 15 000 euros actuellement. La même peine sera possible en cas de « provocation » à la GPA ou la présentation de cette pratique « sous un jour favorable ». L’article 4 porte aussi sur le pénal. Il crée une infraction spécifique à travers la prohibition de la vente ou de l’achat d’enfants à l’article 225-4-2-1 du code pénal.

Enfin, le dernier article de la proposition de loi « a pour objectif d’interdire sur l’ensemble du territoire français les décisions ou actes, quelle que soit leur nature juridique, ayant pour objet de reconnaître la gestation pour autrui, afin de mieux concilier la défense du principe d’interdiction de la GPA en France et l’exigence de protection des intérêts des enfants ». Pour cela, un article 47-1 sera inséré dans le code civil. Il portera sur « l’impossibilité de procéder à la transcription des actes à l’état civil français faisant suite à une GPA à l’étranger, tout en garantissant pour les enfants une vie privée normale, en particulier eu égard à la nationalité et à la succession ».

Désormais, la proposition de loi doit être examinée par le Sénat. La volonté des sénateurs à maintenir la « ligne rouge» de la GPA sera-t-elle suivie ? (cf. GPA : Emmanuel Macron réaffirme « les lignes rouges ». Et en pratique ? ; GPA : « N’en déplaise à monsieur le ministre, la souffrance est une des choses du monde les mieux partagées »)

 

[1] La proposition de loi a été déposée par Valérie Boyer, Bruno Retailleau, Laurence Muller-Bronn, Henri Leroy, Dominique de Legge, Françoise Dumont, Alain Chatillon, Laurent Somon, Daniel Laurent, Jean-François Rapin, Gilbert Favreau, Pascale Gruny, Sylviane Noël, Pauline Martin, Georges Naturel, Kristina Pluchet, Gilbert Bouchet, François Bonhomme et Bruno Sido

[2] Décision n° 94-343/344 du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994, concernant la loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

[3] Proposition de loi n° 2277 du 14 octobre 2014 visant à lutter contre les démarches engagées par des Français pour obtenir une gestation pour autrui.

[4] Proposition de loi n° 2706 du 8 avril 2015 et proposition de loi du 11 septembre 2019 déposées par Valérie Boyer et plusieurs de ses collègues visant à lutter contre le recours à une mère porteuse. Ou encore plus récemment la proposition de loi de Patrick Hetzel et plusieurs de ses collègues n° 5071, du mardi 22 février 2022 visant à rendre juridiquement efficace la prohibition de la gestation pour autrui. Le 21 juin 2016, l’Assemblée nationale a rejeté avec un faible écart de voix (21 voix), la proposition de loi n° 2706. Toutefois ce rejet, obtenu de justesse, devrait nous conforter dans la certitude que la société et le législateur seront bientôt prêts pour une vraie loi de lutte contre les mères porteuses.

[5] Proposition de loi constitutionnelle n° 1354, du 12 septembre 2013 déposé par Philippe Gosselin visant à rendre constitutionnel le principe d’indisponibilité du corps humain ; proposition de loi n°1363, du 18 septembre 2013 de Paul Salen et plusieurs de ses collègues visant à rendre constitutionnel le principe d’indisponibilité du corps humain ; proposition de loi constitutionnelle n° 18 du 7 juillet 2022, déposée par Thibault Bazin et plusieurs de ses collègues visant à proscrire le recours à la gestation pour autrui.

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