Inscrire l’avortement dans la Constitution : une priorité en 2024 ?

Publié le 15 Jan, 2024

L’année 2024 vient tout juste de commencer, mais le Gouvernement et les parlementaires sont déjà à pied d’œuvre. Le sujet semble prioritaire, urgent. S’agit-il du conflit en Ukraine ? De la crise de l’hôpital qui est une priorité des Français ? De l’éducation, un sujet que son ancien ministre a promis d’emmener à Matignon ? Non. Alors qu’un nouveau Gouvernement dont on attend les premières orientations vient d’être nommé, c’est l’inscription de l’avortement dans la Constitution qui est menée tambour battant.

Le calendrier est serré : le congrès devra se tenir le 5 mars, pour que le projet de loi soit entériné le 8, pour la Journée internationale des droits des femmes. Tous sont déjà en ordre de marche. Ce mardi 16 janvier, Eric Dupond-Moretti, garde des sceaux, sera auditionné par la Commission des lois. La semaine suivante, le 24 janvier, les députés examineront le texte dans l’hémicycle.

Une adoption à tout prix ?

« Est-ce que ça doit être un droit ou une liberté ? En vérité, je crois que ce qu’il faut, c’est qu’on garantisse que ça puisse être adopté à l’Assemblée, au Sénat »[1], a déclaré Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les Discriminations. « Le sujet n’est pas d’être arc-bouté sur une formulation, le sujet est de trouver celle qui permette qu’il y ait un chemin et qu’il y ait une majorité », estime la ministre qui doit être auditionnée ce lundi selon son cabinet.

Alors députée, elle avait elle-même proposé un texte dans ce but, avant de le retirer pour laisser la place à celui porté par la députée LFI Mathilde Panot (cf. Le « droit à l’avortement » en chemin vers la Constitution). Voté par les deux chambres, après la transition de la notion de « droit » à celle de « liberté » (cf. Avortement dans la Constitution : un sénateur fait cavalier seul), des parlementaires avaient toutefois appelé la Gouvernement à reprendre la main. Ce qu’il a fait. Pour éviter d’avoir à passer par le référendum ? (cf. IVG dans la Constitution : Emmanuel Macron annonce un projet de loi)

« On doit impérativement faire en sorte que l’IVG soit inscrite dans notre Constitution », enjoint Aurore Bergé.

Toujours plus loin 

Pas après pas, l’avortement s’éloigne toujours plus du régime d’exception au sein duquel il avait été dépénalisé (cf. De la loi “Veil” à la loi “Gaillot”). En décembre dernier, un décret a autorisé les sages-femmes à pratiquer des IVG instrumentales, un acte par ailleurs « revalorisé » sur le plan financier (cf. IVG instrumentales par des sages-femmes : encore une « expérimentation » pérennisée). La constitutionnalisation sera une nouvelle étape qui mettra en danger la clause de conscience des soignants vis-à-vis de cet acte, dernier reliquat d’« encadrement » avant une complète banalisation (cf. IVG dans la Constitution : « l’enjeu est celui de la liberté des citoyens, et pas seulement de la femme »).

Ce n’est pas Catherine Vautrin, nouvelle ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités (cf. Catherine Vautrin devient ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités : une nomination qui interroge), qui s’opposera au mouvement. Lors de sa passation de pouvoir, elle a voulu « rassurer » : « en entrant ici, je veux immédiatement rendre hommage à l’une de mes prédécesseures (…), Simone Veil », au moment « où son texte fondateur doit être gravé dans le marbre de notre Constitution ».

Consacré comme une « liberté », les femmes seront-elles encore libres de dire la souffrance qu’elles peuvent vivre après un avortement ? (cf. « Deuil caché » : « une réhabilitation de la souffrance » des femmes qui ont avorté)

 

[1] AFP (14/01/2024) sur l’interview d’Aurore Bergé sur LCI

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