Hier, la Commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi constitutionnelle portée par Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance, visant à « garantir le droit à l’Interruption de grossesse » (cf. France : inscrire le « droit à l’avortement » dans la Constitution ?). Il ne s’agit pas de la « meilleure proposition », mais « d’une opportunité politique » reconnaît la députée, insistant sur le contexte actuel aux Etats-Unis ou dans plusieurs pays européens.
La proposition contient un article unique, qui deviendrait l’article 66-2 de la Constitution, une position discutée en l’absence de consensus. Cet article dispose à l’issue du débat en commission que « nulle femme ne peut être privée du droit à l’interruption volontaire de grossesse ». Une formulation, adoptée après le vote de l’amendement n°16, qui « permettrait d’empêcher qu’un tiers puisse imposer un avortement à une femme » selon Aurore Bergé.
Le texte sera discuté en séance plénière le 28 novembre, mais, mercredi prochain, la Commission des lois aura à examiner une proposition similaire. Celle portée par Mathilde Panot et ses collègues de la NUPES.
Aucune opposition de fond
En commission, les débats ont porté sur l’emplacement d’une telle disposition dans la Constitution, ou sur ce qu’il faudrait graver dans le marbre. En plus ou en moins. Le groupe La France Insoumise voudrait ajouter un « droit à la contraception », le groupe écologiste inscrire le délai de 14 semaines pour avorter ou encore la gratuité de l’acte. Le groupe socialiste milite pour consigner le « principe de l’autonomie personnelle qui doit fonder la garantie d’accès aux droits procréatifs ». De leur côté, les Républicains voudrait voir figurer « le respect de tout être humain depuis le commencement de sa vie ». A côté du « droit de la femme à demander l’IVG ».
Le groupe LR précise en effet ne pas être opposé à l’inscription du « droit à l’avortement » dans la Constitution et propose de le faire en ajoutant la loi Veil au nombre des textes fondamentaux mentionnés dans son préambule. Une proposition rejetée par Aurore Bergé, la loi Veil représentant une « régression ».
La discussion ira jusqu’à s’enliser autour de l’emploi du mot « femme » dans l’article. Car pour Jérémie Iordanoff, député écologiste, et Erwan Balanant, membre du Modem, cette mention « réduit les droits des personnes trans » (cf. « Homme enceint » : la campagne du Planning familial reçoit le soutien du gouvernement).
L’avortement, une priorité ?
L’adoption de la proposition consacrerait l’avortement comme un principe constitutionnel, faisant de la France « le premier pays au monde à consacrer l’IVG dans la Constitution », espère Aurore Bergé (cf. « Aucun État n’a inscrit un droit à l’IVG dans sa Constitution, sauf l’ex-Yougoslavie »). Il s’agirait de « constitutionnaliser un équilibre ». Pourtant, elle qualifie ensuite cette proposition de « préalable nécessaire ». « Il faudra continuer à progresser sur la question de la santé des femmes », précise-t-elle. L’« équilibre » serait-il amené à se déplacer ? Aurore Bergé s’en défend : « l’objectif n’est pas d’étendre ou d’aller au-delà de ce qui existe déjà », promet-elle (cf. De la loi “Veil” à la loi “Gaillot”).
Pourtant, pour Sarah Tanzilli, membre du groupe Renaissance, ce texte est « le plus important, le plus fondamental de notre législature ». Mais les Français sont-ils d’accord ?
La peur du référendum
Les députés semblent frileux à l’idée de les interroger. Si la proposition de loi venait à être votée par les deux chambres, ce qu’Aurore Bergé semble possible vu le vote serré au Sénat (cf. Les Sénateurs rejettent la constitutionnalisation de l’avortement), le texte devrait ensuite être soumis au peuple par voie de référendum (cf. Constitutionnalisation de l’avortement : « On ne joue pas avec la norme constitutionnelle » [Interview]).
Jérémie Iordanoff craint qu’alors ne s’expriment « des groupes minoritaires ». Et Raphaël Schellenberger des Républicains s’inquiète que cela fasse « monter artificiellement des oppositions qui n’existent pas dans notre pays ».
Car, sur le principe de l’avortement, le débat est verrouillé. « La question n’est pas pour ou contre l’IVG, estime Xavier Breton du groupe LR, mais pour ou contre un droit absolu à l’IVG. » Aux Etats-Unis, pourtant si vivement critiqués, on ose encore poser la question.