L’Assemblée nationale vient d’adopter une proposition de loi visant à supprimer la clause de conscience spécifique des personnels de santé à propos de l’IVG et l’allongement du délai pour avorter.
“Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse, affirme le Code santé publique. Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse. » Depuis la loi Veil de 1975, le Code de la santé publique garantit aux professionnels de santé une clause de conscience en matière d’avortement. Déjà difficile à mettre en œuvre pour ces professionnels de la vie à naître, cette clause spécifique est sur la sellette. Dernière attaque en date, la proposition de loi du député Albane Gaillot (EDS, app. LREM), adoptée le 8 octobre dernier : « Si nous comprenons et ne remettons pas en cause son utilité politique et sociale au moment précis de la promulgation de la loi Veil, il nous semble que plus rien ne justifie, aujourd’hui, le maintien de cette clause de conscience spécifique », lit-on dans l’exposé des motifs. L’article 2 supprime « la double clause de conscience spécifique à l’IVG “.
Double clause de conscience ?
Quoiqu’en dise les détracteurs de la clause de conscience, elle n’est pas « double ». Outre les articles cités ci-dessus spécifiques à l’IVG, le code de déontologie octroie effectivement aux médecins une clause de conscience « générale », qui lui permet, « hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité », de « refuser des soins pour des raisons professionnelles ou personnelles ». Mais cet article, qui existait bien avant la loi Veil, n’est pas de nature législative, il a une portée règlementaire, tout comme le droit du patient à être soigné selon sa volonté. Supprimer la clause de conscience spécifique à l’IVG pour ne garder que celle, générale des médecins, les protègerait beaucoup moins. En outre, si les sages-femmes et les infirmiers bénéficient aussi de leurs côtés d’une clause de conscience générale, ce n’est pas le cas des « auxiliaires médicaux », dont certains sont directement concernés par les avortements, comme les aides-soignants.
L’exercice de la clause de conscience déjà compromis
Si les députés s’intéressaient à l’« accès à la clause de conscience », le rapport serait accablant. En effet, depuis l’octroi de la clause de conscience spécifique à l’IVG, la loi du 4 juillet 2001 en a réduit la portée : le professionnel « doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention ». Il est ainsi contraint de faciliter le recours à cet acte qu’il réprouve. Par ailleurs, cette même loi a abrogé la clause de conscience pour les médecins-chefs de service d’un hôpital public, ceux-ci étant depuis tenus d’assumer l’organisation de l’IVG dans leur service même s’ils n’en réalisent pas. Outre ces limitations législatives, exercer sa clause de conscience aujourd’hui relève du « parcours du combattant » : valider ses études ou être embauché en ayant fait valoir sa clause de conscience n’est pas chose aisée en France.
Face à cet état des lieux alarmants, les professionnels de santé objecteurs de conscience sont tentés de faire des compromis ou d’abandonner leur filière. Supprimer la clause de conscience spécifique à l’IVG consommerait les discriminations à leur encontre et représenterait une véritable atteinte à leur liberté de conscience, pourtant défendue jusqu’au Conseil de l’Europe.
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Cet article de la rédaction Gènéthique a été initialement publié sur Aleteia sous le titre : IVG : la clause de conscience des professionnels de santé en danger