La clause de conscience : seule rescapée de la « loi Gaillot »

Publié le 1 Déc, 2021

Mardi 30 novembre, les députés ont débattu en deuxième lecture de la proposition de loi portée par Albane Gaillot (EELV) visant à « renforcer le droit à l’avortement ». Et parmi les mesures dans le viseur de la députée : la clause de conscience spécifique à l’avortement.

Une « double clause de conscience » ?

Pour Albane Gaillot, supprimer cette clause de conscience spécifique ne change rien pour les médecins. Ils pourront toujours refuser de pratiquer un avortement. Pour preuve selon elle : l’existence d’une clause de conscience générale.

Mais, en l’espèce, deux ne veut pas dire doublon. En effet, comme le rappelle Thibault Bazin (LR), la clause de conscience spécifique pose un principe absolu quand la clause générale ne peut pas être invoquée « en cas d’urgence » ou dans celui où le médecin « manquerait à ses devoirs d’humanité ». Et la clause de conscience spécifique à l’avortement protège tout le personnel de santé, souligne Patrick Hetzel (LR) : du médecin aux auxiliaires médicaux.

Enfin, ces deux clauses n’ont pas la même valeur juridique. La « clause règlementaire [peut] toujours être aménagée ou supprimée facilement hors de tout débat public », comme l’a souligné le Comité consultatif national d’éthique dans son opinion datée du 8 décembre 2020.

Question d’époque ou de pratique ?

La clause générale existait avant la « loi Veil », rappelle Thibault Bazin. Et le législateur a choisi d’y introduire une clause spécifique. Ce que balaye Albane Gaillot : « c’est un compromis de 74, on est en 2021 ». La conscience des médecins ne devrait-elle plus être protégée ?

Pour Emmanuelle Ménard (non inscrite), tout le monde devrait défendre la liberté de conscience, quelle que soit son opinion sur l’IVG (cf. L’objection de conscience : un droit fondamental parce qu’elle est un devoir). Et l’existence de cette clause est une condition sine qua non de la constitutionnalité de la « loi Veil ».

Le secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, reconnaît aussi le besoin d’une clause particulière pour cet acte qui ne relève pas de la « pratique des soins classiques ». Il énonce la position du gouvernement, puisqu’Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, et médecin par ailleurs, a déjà quitté l’hémicycle. « Avis de sagesse ».

Un vote surprise

Mais après le rejet de plusieurs amendements visant à ne pas supprimer cette clause de conscience, celui de Fabien di Filippo (LR) est adopté. Il n’en revient pas : « C’est la première fois que ça m’arrive ! », s’exclame-t-il. Clémentine Autain (LFI) non plus, alors qu’elle fait son entrée dans le débat à cette occasion, déplorant l’absence de scrutin public sur cet amendement.

Cette clause avait été supprimée par les députés lors de la première lecture de la loi Gaillot (cf. IVG : la clause de conscience des professionnels de santé en danger). Cette fois, le gouvernement représenté par Adrien Taquet a encouragé l’amendement de Fabien di Filippo car il ne supprimait pas le répertoire des médecins et établissements pratiquant des avortements. Une concession qui aura été nécessaire, semble-t-il, pour sauvegarder la liberté de conscience des médecins.

En votant l’article 2 de la proposition de loi Gaillot, par 63 voix contre 6 et 20 abstentions, la poignée de députés présents dans l’hémicycle aura choisi de préserver la clause de conscience spécifique à l’avortement. Seule rescapée d’un naufrage vers le « tout IVG ».

 

Photo : iStock

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