L’Agence de la Biomédecine (ABM) lance à partir du mois prochain une nouvelle procédure concernant les transplantations d’organes. Un changement qui est « tout sauf anodin » d’après Libération.
Depuis 2005 ont été à nouveau autorisés les dons d’organes à cœur arrêté (DCA), seulement pour certaines catégories telles que définies en 1995 lors d’une Conférence internationale à Maastricht[1]. En France, seuls les donneurs décédés par arrêts cardiques des catégories I, II et IV étaient éligibles au prélèvement d’organes. En effet, les réticences au DCA ont des motifs d’ordre éthique, notamment en raison de l’incertitude sur l’irréversibilité des arrêts cardiques[2]. C’est pourquoi, en France, jusqu’à très récemment, était privilégié le prélèvement d’organes sur des personnes décédées par mort encéphalique.
L’ABM a décidé d’autoriser à partir du mois prochain, et en vue de pallier la pénurie d’organes, le DCA sur des donneurs de la catégorie III selon le classement de Maastricht, soit sur des « donneurs décédés dans le cadre d’une limitation ou d’un arrêt des thérapeutiques ». En France cela n’était pas pratiqué du fait des inquiétudes soulevées : « N’allait-on pas accélérer la survenue de la mort pour pouvoir prélever ? Comment éviter ce risque ? »
Après discussions et travaux de commissions, l’ABM a mis au point un protocole. Il précise notamment que « la décision d’arrêt ou de limitation des traitements doit être indépendante de la possibilité du don d’organes » ou encore que « les filières doivent être étanches entre les équipes de réanimation et de prélèvement ». D’après le Pr Olivier Bastien, directeur du prélèvement à l’ABM, au sujet de cette autorisation, « maintenant, c’est donc désormais possible et bien codifié, les craintes des uns et des autres ayant été apaisées ». Ces prélèvements se feront sur le mode de l’ « autorisation implicite » du patient décédé, dès lors que, de son vivant, il n’aura pas exprimé par écrit sur registre son refus de donner ses organes.
Par cette autorisation, l’ABM espère voir augmenter de 10 à 20% les donneurs potentiels.
Reste à savoir si ce protocole est véritablement enclin à éloigner les dérives éthiques.
[1] Les donneurs ont été classés en quatre catégories lors d’une Conférence internationale à Maastricht en 1995 :
– les personnes qui font un arrêt cardiaque en dehors de tout contexte de prise en charge médicalisée et pour lesquelles le prélèvement d’organes ne pourra être envisagé que si la mise en œuvre de gestes de réanimation de qualité a été réalisée moins de 30 minutes après l’arrêt cardiaque (stade I de Maastricht) :
– les personnes qui font un arrêt cardiaque en présence de secours qualifiés, aptes à réaliser un massage cardiaque et une ventilation mécanique efficaces, mais dont la réanimation ne permettra pas une récupération hémodynamique (stade II de Maastricht) ;
-les personnes pour lesquelles une décision d’un arrêt de soins en réanimation est prise en raison de leur pronostic (stade III de Maastricht) ;
– les personnes décédées en mort encéphalique qui font un arrêt cardiaque irréversible au cours de la prise en charge en réanimation (stade IV de Maastricht).
[2] Comme l’atteste la récente affaire en Belgique rendue publique la semaine dernière (Cf. Synthèse Gènéthique du 17 septembre 2014)
Libération (Eric Favereau) 23/09/2014 – Gènéthique