Le consentement présumé, “monstre juridique, logique et éthique”

Publié le 2 Oct, 2008

Dans une tribune publiée dans le quotidien Le Monde, Roger-Pol Droit revient sur la question du prélèvement d’organes pour dénoncer avec vigueur le système français fondé sur le "consentement présumé" (à votre mort, on considérera que vous étiez d’accord pour donner vos organes "à des fins thérapeutiques ou scientifiques" à moins que vous n’ayez clairement manifesté votre opposition). Rappelant en premier lieu la "pénurie" d’organes qui sévit aujourd’hui en France, faute de donneurs, l’auteur se penche sur la question de la volonté du défunt sur lequel on effectue des prélèvements de cœur, de poumon, de rein ou encore de moelle osseuse.

Afin de résoudre cette problématique de la volonté du défunt prélevé, la loi de bioéthique du 6 août 2004 stipule en effet, dans son article L. 1232-1, que le "prélèvement peut être pratiqué dès lors que la personne n’a pas fait connaître, de son vivant, son refus d’un tel prélèvement". Ainsi, un fichier national des refus, géré par l’Agence de la biomédecine, a été créé en 1998. Dix ans après, ce fichier recense 72 000 inscrits pour 65 millions de Français… "Que ceux qui en ont entendu parler lèvent la main !", s’indigne l’auteur pour qui l’information concernant ce fichier est proche de zéro.

Pour Roger-Pol Droit, "ce "consentement présumé" prend vite des allures de monstre juridique, logique et éthique". "C’est un mauvais stratagème pour une cause légitime", poursuit-il, "car cette astuce introduit subrepticement dans le droit un abîme vertigineux" : "comment, dans la République française, peut-on décréter que le seul fait de n’avoir pas fait connaître publiquement son refus est équivalent au fait d’avoir consenti ?". Afin de démontrer l’absurdité d’un tel système, l’auteur applique ce raisonnement à un défunt qui, par exemple, n’aurait pas publiquement marqué son opposition à la confiscation générale de ses biens ; cela signifie-t-il qu’il a consenti à donner tous ses biens à l’Etat ?

Roger-Pol Droit n’a pas de formules assez fortes pour s’élever contre ce "tour de passe-passe" qui "consiste à transformer le mutisme en acquiescement" – l’expression "qui ne dit mot consent" ne pouvant décemment s’appliquant qu’aux vivants -, qui "reconstruit le passé à sa guise" et "instrumentalise le silence des morts". Il appelle donc à trouver d’autres justifications au prélèvement d’organes sur les défunts et à inventer d’autres formules juridiques pour l’encadrer et propose deux options : celle de retenir uniquement le consentement explicite ou au contraire de décréter l’obligation des prélèvements, et de le faire savoir, tout en ménageant une possibilité de refus.

A la veille de la révision des lois de bioéthique, l’auteur rappelle que cette question apparemment secondaire "n’est pourtant pas un détail anodin" et "mieux vaudrait ne pas l’oublier"…

Le Monde (Roger-Pol Droit) 03/10/08

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