Le passeport vaccinal, entrave aux libertés publiques ?

Publié le 12 Mai, 2021

Après l’avoir une première fois rejeté, l’Assemblée nationale a finalement validé en début de semaine la création d’un « pass sanitaire » lors de l’examen du projet de loi de sortie de la crise sanitaire. Fortement critiqué, il sera dans un premier temps « réservé aux déplacements vers ou depuis l’étranger, subordonnera l’accès à des grands rassemblements ou à certains lieux [dont la liste n’est pas précisée] à la présentation d’un résultat négatif d’un dépistage virologique, ou un justificatif de vaccination ou une attestation de son rétablissement à la suite d’une contamination ».

« Condition de la liberté » ou « mesure la plus coercitive de contrôle depuis le début de la crise », les débats se poursuivront au Sénat à partir du 18 mai.

Pour Rémi Tell, cofondateur du collectif Peuple libre[1] ce vote a provoqué un « basculement ». Pour lui le passeport vaccinal « anéantit la liberté lorsqu’il impose la surveillance généralisée des corps, au prétexte de la lutte contre une maladie à laquelle a survécu 99,97 % de l’Humanité. Il sape l’égalité quand il crée des citoyens de seconde zone, condamnés à la réclusion et à l’avilissement pour avoir refusé de s’engager sur le chemin damé par le bio-pouvoir. Et que dire de la fraternité, avec une telle invitation à regarder l’autre en chien de faïence ? »

De leur côté les juristes « s’interrogent sur l’entrave qu’il peut représenter pour les libertés publiques ». Serge Slama, professeur de droit public à l’université de Grenoble, identifie deux « menaces » : « la sortie définitive de l’État d’urgence est prévue au 31 octobre. Cette limite dans le temps est un gage de la proportionnalité [de la mesure]. Ce ne serait plus le cas si, par commodité, le gouvernement décidait d’éterniser le pass. De même, il ne faudrait pas que certains soient tentés d’élargir le pass à des activités qui, aujourd’hui, ne sont pas concernées comme les cinémas et les théâtres afin de faire baisser les jauges. C’est d’ailleurs toujours le problème du numérique d’instaurer des systèmes d’accoutumance et d’aliénation invisibles ». Stéphanie Hennette-Vauchez, professeur de droit public à Nanterre, est elle aussi réservée, la liste des lieux et activités concernés n’étant pas précisée : « c’est un décret qui en fixera les contours exacts sans que la représentation nationale ne puisse en discuter et fixer des garanties. C’est un déplacement du centre de gravité de la décision vers le seul exécutif et une esquive démocratique. Jusque-là, nous avions un système d’interrupteur qui indiquait si nous étions, oui ou non, dans l’état d’urgence avec des conséquences claires sur les libertés. Le gouvernement vient d’inventer le système du variateur. Et un brouillage inédit et inquiétant des catégories ».

 

Complément du 3/06/2021 : Lundi 31 mai, le Conseil constitutionnel a validé la mise en place du pass sanitaire. Le dispositif avait été adopté par le Parlement jeudi 27 mai. Son entrée en vigueur est prévue le 9 juin.

[1] engagé dans “la reconquête des libertés perdues depuis le début de la crise sanitaire”

Sources : AFP (11/5/2021) ; Le Figaro, Paule Gonzalès, Rémi Tell (11/05/2021) ; Le Monde, Mariama Darame (31/05/2021)

 

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