« Quand j’étais valide, je voulais vivre mieux. Après 30 ans de fragilité et de souffrance, ce qui me motive c’est d’être pleinement présent dans mon existence, et de la partager dans le respect des autres. »
Dans Le promeneur immobile, Philippe Pozzo di Borgo dénonce la « tyrannie de la performance et de l’autonomie » qui voudrait supprimer, par égoïsme, le « poids » du handicap. Dans un récit à la fois autobiographique, poétique et philosophique, il explique la différence entre ses deux vies, celle de l’homme valide et celle du tétraplégique, « celle des sens, bruyante et agitée, et l’autre, insensible, souffrante et inerte ». « A ce qui nous encombre tant, la compétition, la normalité, la productivité, l’efficacité, le paraître répondent le silence, la relation, la simplicité, l’intime, la dépendance assumée. »
Pour lui, le monde des « valides » est « malade de normalité, de performance, malade d’autonomie et d’individualisme ». Tandis que, dans sa souffrance, il a appris à prendre le dessus, à atteindre l’infini, « à conquérir un autre monde, un monde humain, cohérent, un monde qui console ».
En quelques pages, il tente de montrer aux « valides » aveuglés, qu’ils sont eux aussi vulnérables. Car « nous avons la faiblesse de considérer le handicap comme une anomalie [mais pourtant] nous serons tous concernés, un jour ou l’autre, par l’âge, l’accident ou la maladie ». Cette fragilité est la « source de la fraternité, de la solidarité, de la simplicité », affirme-t-il.
Cette réflexion le mène à dénoncer l’euthanasie qui est une « violence faite aux humiliés, ainsi qu’à leurs accompagnants et soignants : comme si la dignité était la chasse gardée de la performance, de l’apparence et de l’indépendance ». En effet, « culpabilisés, dépressifs et terrorisés par leur indignité ou, pire, incapables de formuler une objection, ceux-là n’auront pas la force, l’envie ou la capacité de résister aux regards de ceux qu’ils encombrent ». Il reproche à la société son incapacité à accompagner, dans le respect et la dignité, les personnes en fin de vie.
L’euthanasie « reflète une collectivité qui se délite et démissionne ». Or, face au succès du film Intouchables, inspiré de sa vie, Philippe Pozzo di Borgo s’interroge : « que révèlent toutes ces manifestations spontanées de rires et d’émotions, ces ovations de spectateurs venus de tous horizons, si ce n’est une profonde aspiration à vivre ensemble autrement ? »
Editions : Albin Michel
Date de parution : 31/08/2022
Nombre de pages : 176