L’empire du ventre – Pour une autre histoire de la maternité – Marcela Iacub

Publié le 30 Sep, 2004

Faut-il accoucher pour être mère ?

 

Rien ne semble plus naturel et universellement reconnu. Et pourtant… Marcela Iacub, juriste et chercheur au CNRS, veut démontrer en remontant l’histoire du droit de la filiation et en franchissant les frontières, que rien n’est moins évident… ni souhaitable.

 

Les enfants ne naissent plus du mariage

 

Du code civil de 1804 à la réforme de 1972, les enfants ne naissaient pas nécessairement du corps de leurs parents, mais de leur mariage ;  les suppositions d’enfants (1) (sanctionnées pénalement mais, dans la réalité, difficiles à prouver) ont d’ailleurs permis à des femmes mariées stériles d’avoir des enfants.

 

Il s’agissait ainsi d’un mode de création d’une filiation légitime par la volonté des parents, dénué d’ancrage dans la « vérité biologique » que lui aurait donné l’accouchement de la mère. La loi du 3 janvier 1972 a mis fin à l’empire des apparences matrimoniales.

 

L’empire du ventre

 

Face à la crise du mariage, l’accouchement lui-même est devenu une institution, dans laquelle la mère est libre d’entrer ou non jusqu’au dernier moment, puisqu’elle peut non seulement avorter mais aussi accoucher sous X. Marcela Iacub dénonce cette toute puissance maternelle finalement aliénante pour les femmes que la nature discrimine au seul profit de celles qui sont capables d’enfanter… et d’avorter.

 

Adoption et mères porteuses

 

L’adoption plénière est devenue suspecte. Dans les années 1980, le recours aux maternités de substitution  (par le biais de l’adoption de l’enfant par l’épouse de celui qui a donné son sperme et a reconnu l’enfant d’une mère porteuse ayant accouché sous X) fut  condamné par les tribunaux et Marcela Iacub s’étonne : « alors que les ovules, les spermatozoïdes pouvaient être arrachés des entrailles et les embryons des éprouvettes pour être affectés à divers projets parentaux », la grossesse, elle, ne pouvait être déléguée.

 

La loi de bioéthique de 1994, en autorisant toutes les techniques procréatives à l’exception de la maternité de substitution, rappelle cette « exception utérine » sur laquelle est fondé le droit français de la famille. Alors que l’ovule et l’embryon peuvent circuler entre les couples sans aucune conséquence juridique, est-il logique de garder l’accouchement comme critère que l’enfant a bien été conçu par cette femme ? L’Allemagne, la Suisse ou l’Autriche ont choisi d’interdire à la fois le don d’ovule et la maternité de substitution et favorisent la vérité génétique ; d’autres pays, tels la Grande-Bretagne ou Israël autorisent l’un et l’autre, fondant la filiation sur le principe de volonté.

 

Accouchement sous X : danger ?

 

Du fait de la pratique généralisée de la contraception et de l’avortement, l’accouchement sous X serait devenu anachronique, « faute d’enfants à naître ». Mais la crise de cette institution rejoint aussi celle de l’adoption et le mouvement des militants du droit à connaître ses origines  prétend qu’il vaut mieux  avorter que faire naître sous X.  Pour eux, le don de gamète et d’embryon doit également cesser d’être anonyme, sous peine de faire naître un « enfant de personne », à moins de l’interdire purement et simplement.

 

Vérité génétique ou souhait parentale ?

 

L’empire du ventre est menacé et se trouve face à deux alternatives : soit fonder toutes les filiations, y compris maternelles, sur la volonté d’avoir un enfant, et il n’y aurait plus de raison de s’opposer à l’homoparentalité, chacun assumant les conséquences, non pas de ses actes sexuels, mais de ses décisions procréatives ; soit faire triompher le principe de la vérité génétique. Et l’enfant dans tout cela ? Après avoir revendiqué le droit à l’avortement, la libre disposition de leur corps, les féministes s’insurgent aujourd’hui contre l’inégalité qui frappe celles qui ne peuvent être mère du fait de leur stérilité ou de leur homosexualité.

 

Le fondement même du droit de la filiation est remis en cause par les possibilités qu’ouvrent les nouvelles techniques de procréation. Dans quel sens évoluera-t-il, vérité génétique, droit à l’enfant ou droit de l’enfant ? Cet ouvrage, néanmoins fort intéressant, se garde bien de répondre à cette question, en ignorant les droits de l’être humain qu’est l’enfant. 

 

 

1 La supposition consiste à prétendre qu’une femme a accouché alors qu’elle ne l’a pas fait.

 

Marcela Iacub, L’empire du ventre, pour une autre histoire de la maternité, ed. Fayard, septembre 2004. 

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