Aux Pays-Bas, une proposition de loi a été déposée pour élargir le suicide assisté aux personnes âgées qui considèrent que leur vie est « accomplie », même sans pathologies. Déposé par la députée Pia Dijkstra (gauche libérale), le texte « représente un pas de plus vers la consécration d’un “droit à mourir” » décrypte l’Institut Européen de Bioéthique (IEB).
Le texte prévoit la mise en place d’ « accompagnateurs de fin de vie ». Ces personnes, qui devront préalablement être déjà infirmiers, médecins, psychologues ou psychothérapeutes, suivront une formation supplémentaire spécifique. Leur rôle sera de vérifier le respect de conditions de forme et de fond dans la démarche de suicide. Ce sont eux qui donneront leur accord ou non pour le suicide. « A cet égard, la proposition de loi se calque sur le cadre légal en matière d’euthanasie (rôle prépondérant du médecin), avec la particularité que la souffrance en question est d’ordre psychologique et non somatique ».
Les accompagnateurs de fin de vie devront proposer d’impliquer les proches, « avoir la conviction que la demande de mourir est ‘libre, réfléchie et persistante’ », et « qu’il n’existe pas d’autre aide souhaitable (…) pour lui redonner goût à la vie ». Ils doivent aussi s’assurer de la capacité à un discernement raisonnable. Ils doivent avoir au moins deux discussions, sur une période d’au moins deux mois. Enfin, ils doivent demander son avis à un second accompagnateur de fin de vie. Avis « non contraignant », puisque c’est le premier accompagnateur qui prend la décision finale. Enfin, « chaque cas fera l’objet d’un contrôle a posteriori par une commission régionale ». Cette nouvelle forme d’euthanasie sera réservée aux néerlandais (ou résidents depuis minimum deux ans).
« On ne peut que constater le paradoxe entre la volonté de l’auteur de libéraliser totalement le suicide des personnes âgées, et le rôle prépondérant de l’accompagnateur de fin de vie, de qui dépend finalement l’autorisation du suicide » fait remarquer l’IEB. De plus cette proposition repose la question de la place accordée aux personnes âgées, « particulièrement dans notre société occidentale aisée ».
De plus l’IEB rappelle une étude néerlandaise récente, qui avait évalué les motifs de désir de mourir chez les personnes âgées de plus de 55 ans, sans maladie grave. L’étude avait remarqué que le désir de mourir n’augmentait pas avec l’âge. Alors pourquoi fixer une limite à 75 ans ? En quoi la vie serait-elle plus « accomplie » à cet âge précis ? L’étude avait noté que le désir de mourir était « souvent complexe et changeant », pas linéaire, « pas irréversible » et « renforcé par des facteurs tels que l’inquiétude (…), les problèmes financiers, les soucis de santé, la solitude, la dépendance et le sentiment d’être une charge ». Les chercheurs avaient conclu que « le terme de ‘vie accomplie’ ne se prêt[ait] pas à ces situations ».
Le Conseil d’Etat néerlandais doit se prononcer sur cette proposition de loi d’ici trois mois.
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Institut Européen de Bioéthique, C. du Bus (22/07/2020) – Pays-Bas : une proposition de loi pour autoriser le suicide assisté à partir de 75 ans