Le Monde revient sur les propos tenus par Nicolas Sarkozy sur l’inné et l’acquis, au cours d’un échange avec Michel Onfray organisé par le mensuel Philosophie Magazine.
Au cours de cet entretien, le candidat à l’élection présidentielle a déclaré que : "les circonstances ne font pas tout, la part de l’inné est immense". La part de l’acquis se trouvant ainsi de facto réduite de façon considérable. "Tout, ou presque, est écrit et le libre arbitre ne serait qu’un leurre", résume le quotidien.
A-t-on réellement mesuré les "perspectives ouvertement eugénistes" qu’offrent de telles considérations, notamment celle d’une "organisation sociale démocratiquement fondée sur une correction biologique de toutes les formes de déviance" ?
De tels propos sont par ailleurs cruels pour "tous ceux qui, grâce aux clefs de la génétique, espéraient forger de nouveaux outils permettant de traiter, de sauver, ceux touchés par une affection que l’on savait ne plus être due au seul hasard".
De tels propos sont ensuite alarmants pour tous ceux qui constatent le fossé qui, en génétique, sépare le diagnostic de la thérapeutique. Didier Sicard, président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), a récemment souligné son inquiétude envers la dérive eugéniste vers laquelle nous courrons (cf. Synthèse de presse du 13/02/07) : "un eugénisme aujourd’hui démocratiquement accepté sinon, demain, collectivement réclamé".
Pourtant, généticiens, biologistes de la reproduction, gynécologues obstétriciens, échographistes obstétriciens… refusent toujours de "comprendre que ce constat n’est pas nourri par la volonté de remettre en cause la dépénalisation de l’avortement", ne voulant y voir qu’un "combat d’arrière-garde".
De tels propos sont enfin bien loin d’être anodins, suggérant que tel ou tel comportement dû à tel ou tel gène puisse être enrayé par le dépistage prénatal : "En qualifiant d’ "immense" la part de l’inné, M. Sarkozy tient, en ces temps de dépistage génétique triomphant, des propos essentiellement et dangereusement politiques. Postuler que des gènes expliquent le comportement des pédophiles, c’est immanquablement sous-entendre que ces gènes peuvent être identifiés avant l’implantation in utero d’embryons humains conçus in vitro. Avec toutes les conséquences que l’on peut dès aujourd’hui imaginer et redouter".
Le Monde (Jean-Yves Nau) 21/04/07