Objection de conscience : « Le médecin n’est pas une machine »

Publié le 1 Déc, 2021

Mariette Guerrien, juriste pour la Fondation Jérôme Lejeune, est intervenue à la conférence de presse organisée par la Marche pour la Vie dans la matinée du 30 novembre 2021, avant les débats relatifs à la proposition de loi de Mme Albane Gaillot. Gènéthique retranscrit son intervention.

« La proposition de loi soutenue par Mme Albane Gaillot [1], actuellement débattue à l’Assemblée nationale, vise à supprimer la clause de conscience spécifique à l’avortement pour les médecins, les sages-femmes, les infirmiers et les auxiliaires médicaux [2].

La suppression de cette clause fragilise le principe même de la liberté de conscience. Cette liberté est un « principe fondamental [3] non négociable dans une démocratie »[4]. Supprimer cette clause revient à faire l’impasse sur le respect de la vie humaine qui est une norme supra nationale, protégée par la Convention européenne des droits de l’Homme [5].

Le médecin n’est pas une machine. Il est un homme doué d’une conscience et capable de former un jugement moral. L’objection de conscience est à la fois un devoir et un droit. Un devoir d’abord, car les médecins bénéficient d’une « autonomie générale dans l’exercice de leur profession, afin de pouvoir exercer leur jugement comme l’exige le serment qu’ils prêtent »[6]. Le médecin, et par extension tous les membres des professions médicales, ont vocation à prendre soin de l’autre. « Il s’agit du fondement même de l’éthique médicale, qui figurait déjà dans le serment d’Hippocrate au Vème siècle avant Jésus-Christ »[7]. L’avortement contrevient frontalement à cette vocation.

L’objection de conscience est également un droit. L’objectif de la clause de conscience spécifique à l’avortement est de protéger les médecins. En supprimant cette clause du corpus législatif, la loi ne protège plus les médecins, elle les contraints à trahir leur conviction. Le droit doit protéger l’autonomie de conscience, il ne doit pas contraindre ceux qui nous soignent à la démission.

Les promoteurs de la suppression de la clause de conscience spécifique à l’avortement soutiennent que cette clause est un doublon inutile ; car il existe déjà une clause de conscience générale, dans le code de déontologie des médecins et celui des sages-femmes.

Cet argument est irrecevable pour deux raisons :

  • Alors que la clause spécifique à l’avortement supprimée par la proposition de loi a une valeur législative, la clause de conscience générale n’a qu’une valeur réglementaire. Ainsi, la clause générale a une valeur juridique plus faible que la clause spécifique. Cette valeur réglementaire signifie que la clause peut être supprimée, du jour au lendemain, en dehors de tout débat parlementaire, par un simple décret. C’est-à-dire sur simple décision du pouvoir exécutif sans contrôle du Parlement. Cela induit pour les soignants, les médecins et les sages-femmes notamment, une incertitude sur les conditions futures de l’exercice de leur métier.
  • La clause générale de conscience qui subsisterait dans notre droit, a un champ d’application plus restreint car les soignants ne peuvent pas s’en prévaloir en cas d’urgence. Autrement dit, si une femme est proche du délai pour avorter, « l’urgence » contraindra le médecin, la sage-femme, à réaliser l’acte d’avortement contre sa volonté. La proposition de loi de Mme Gaillot porte donc une atteinte réelle à la volonté des soignants de s’opposer à l’avortement.

A titre d’illustration, si cette proposition de loi devait être adoptée, cela signifie concrètement qu’un médecin ne pourrait pas refuser d’avorter un enfant trisomique qui a 9 mois de vie gestationnelle, si l’urgence est caractérisée.

L’avortement n’est pas un acte anodin, il porte atteinte à la vie humaine. C’est un fait. C’est pourquoi il est important de conserver une clause de conscience spécifique. Tous les actes qui portent atteinte à la vie ou à l’intégrité du corps humain font l’objet d’une clause de conscience spécifique dans notre droit. C’est le cas par exemple de la recherche sur l’embryon et de la stérilisation.

Il ne faut pas se méprendre, l’objectif des défenseurs de la proposition de loi de Mme Gaillot est d’affaiblir la liberté de conscience des professionnels de la santé. La suppression de la clause de conscience ne fait que mettre en lumière l’absence de consensus en matière d’avortement.

« Plutôt que de mettre en cause la liberté de conscience, il serait judicieux de s’interroger sur les causes de l’objection. C’est-à-dire, sur la nature de l’acte en cause. »[8] Le respect de la vie de l’enfant à naître, c’est le principe qui guide les objecteurs de conscience en toute circonstance. Il est plus facile de voter une loi que d’être celui qui est chargé de l’exécuter. »

Dans la soirée du 30 novembre, les députés se sont opposés à la suppression de la clause de conscience spécifique à l’avortement (cf. La clause de conscience : seule rescapée de la « loi Gaillot »[9].

[1] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3879_texte-adopte-commission

[2] Article 2

[3] Article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen

[4] https://www.lefigaro.fr/vox/societe/ivg-preservons-la-clause-de-conscience-specifique-des-soignants-prevue-par-la-loi-20211118

[5] Article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et du citoyen

[6] « Droit et prévention de l’avortement en Europe », sous la direction de Grégor Puppinck, LEH Edition

[7] Ibid

[8] « Droit et prévention de l’avortement en Europe », sous la direction de Grégor Puppinck, LEH Edition

[9] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15t0719_texte-adopte-seance

 

Photo : iStock

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