Deux enfants nés après une gestation par autrui (GPA) avaient saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), afin de contraindre la Pologne à leur accorder la nationalité polonaise. Ils ont été déboutés.
Des certificats de naissance américains, « contraires à l’ordre public polonais »
Les requérants, S. et M. S.-H., sont nés en 2010 en Californie. Ils vivent actuellement en Israël et ont la double nationalité israélienne et américaine. La GPA qui les a fait naître a été commanditée par deux hommes : M. S. et M. H. Ce sont les gamètes de M. S., « ressortissant de plusieurs pays, dont la Pologne »[1], qui ont été utilisés pour la procédure.
En 2010, les deux hommes ont fait établir un lien de filiation entre eux et ces enfants à naître, par la cour supérieure de Californie. Et en 2012, « M. S. demanda aux autorités polonaises, pour le compte des deux requérants, la confirmation de la nationalité polonaise de ces derniers ». Une demande rejetée par le préfet de Mazovie, au motif que « les certificats de naissance polonais n’avaient pas été produits et que l’État ne reconnaissait pas la gestation pour autrui ». Une décision ensuite confirmée par le ministre de l’Intérieur, jugeant que « les certificats de naissance originaux n’avaient aucune valeur probante puisqu’ils étaient contraires à l’ordre public polonais ».
Une décision confirmée à de multiples niveaux
Suite à leur saisine, la Cour administrative régionale puis la Cour administrative suprême ont également confirmé les décisions précédentes : « la Pologne ne reconnaissant pas la gestation pour autrui, la mère des enfants était leur mère biologique et leur père l’époux de celle-ci ». « Inscrire deux hommes comme parents sur le certificat de naissance américain est contraire aux principes fondamentaux du système de droit polonais », a rappelé la Cour suprême. La notion de « parent » a « un sens juridique précis ». « Dès lors, ni le lien génétique entre M. S. et les enfants ni la nationalité polonaise n’entraient en ligne de compte en l’espèce », a-t-elle jugé.
M.S. s’est alors tourné vers la CEDH, au nom de deux requérants. La requête a été introduite le 5 novembre 2015, « invoquant les articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 14 (interdiction de discrimination) ».
« Pas de vide juridique »
« La reconnaissance légale aux États-Unis n’a pas eu pour conséquence de placer les requérants dans une situation de vide juridique pour ce qui est tant de leur nationalité que de la reconnaissance en droit de leur lien parental avec leur père biologique », a pointé la CEDH. Par ailleurs, le « lien parental » a été reconnu « par l’État sur le territoire duquel les requérants résident ». Israël en l’occurrence.
En conséquence, la Cour estime « qu’il n’y a aucune base factuelle sur laquelle conclure à l’existence d’une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale en l’espèce ». La CEDH a donc décidé de rejeter le grief « ratione materiae ».
La réponse à un « argument » rebattu
Les promoteurs de la GPA essaient régulièrement de faire valoir que l’absence de légalisation de la pratique ferait des enfants qu’ils ont commandités des « apatrides ». Des enfants sans identité ni reconnaissance. Un discours sans complexe de la part de personnes s’étant mises sciemment hors la loi de leur pays. Et un discours infondé rappelle aujourd’hui la CEDH.
[1] CEDH, Décision S.-H. c. Pologne – nationalité d’enfants nés d’une gestation pour autrui (09/12/2021)