Le Gouvernement a remis au Pr Franck Chauvin, chargé d’élaborer le futur plan décennal relatif aux « soins palliatifs, à la prise en charge de la douleur et à l’accompagnement de la fin de vie », sa lettre de mission. Elle précise les « orientations directrices » et les thèmes de réflexion.
Une « impérieuse nécessité »
Les préconisations formulées, tant par les conventionnels et la mission d’évaluation parlementaire, que par Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée à l’Organisation territoriale et aux Professions de santé, soulignent « l’impérieuse nécessité » de renforcer les soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie en structurant cette filière et en assurant sa visibilité dans le temps (cf. Fin de vie : Les soins palliatifs, « parent pauvre de la médecine »).
Un triptyque comprenant « l’anticipation palliative et le droit des malades », « la culture palliative, le renfort des soins palliatifs et la solidarité envers les plus vulnérables », ainsi que « l’accompagnement du deuil » devra être plus particulièrement envisagé.
De belles promesses. Soignants et accompagnants seront-ils enfin soutenus dans leurs missions auprès des plus fragiles ? (cf. Plan décennal pour les soins palliatifs : encore des promesses ?)
Réinterroger l’approche jusque là suivie
« Il est temps de mettre à plat l’approche suivie par la France et de la réinterroger au fond » considère Agnès Firmin Le Bodo. La population prise en charge par les soins palliatifs, ou susceptible de l’être, est en train d’évoluer rapidement, ajoute la ministre déléguée.
Le Gouvernement souhaite qu’une comparaison avec des pays étrangers soit faite (cf. Euthanasie : la Belgique, un « modèle » ?). Une large consultation des parties prenantes, et notamment des aidants et des spécialistes de l’éthique, devra également être menée.
La mission devra en outre s’articuler avec la future stratégie nationale de santé, les réflexions sur la prise en charge de la perte d’autonomie et le prochain plan d’accompagnement au répit.
Intégrer la culture palliative
La ministre déléguée insiste sur deux « orientations directrices » : « l’anticipation et l’intégration d’une culture palliative par tous les acteurs de l’accompagnement de la fin de vie ». Elles seront associées à des « évolutions sous-jacentes » : la formation des professionnels de santé, la sensibilisation des travaux sociaux et l’information des malades, comme des citoyens, y compris les mineurs.
La réflexion distinguera à la fois des objectifs à long terme (cf. Soins palliatifs : et si on visait à long terme ?), décennaux, et des objectifs à moyen terme, quinquennaux, afin de déterminer au mieux les ressources mobilisables. Le plan décennal fera aussi l’objet des crédits spécifiques dans la prochaine loi de financement de la sécurité sociale. Les moyens nécessaires pour accompagner la fin de vie pourront-ils enfin être trouvés ?
Huit thèmes de réflexion feront partie des travaux, mais ils ne constituent pas une liste exhaustive.
Améliorer la prise en charge
Premier axe de travail « les populations cible » en raison de leur âge ou de leur pathologie. Les enfants font notamment partie de ces catégories pour lesquelles des « investissements significatifs » sont à prévoir et planifier.
Les travaux porteront aussi sur l’amélioration de la prise en charge hospitalière des soins palliatifs et celle de la douleur chronique. Concernant cette dernière, la ministre souhaite que les moyens requis pour assurer le maillage et la stabilité des structures spécialisées existantes soient investigués (cf. Plan décennal soins palliatifs, douleurs et fin de vie : renforcer la médecine de la douleur).
La prise en charge à domicile et dans les établissements sociaux ou médico-sociaux fait aussi partie des pistes de réflexion. Le rôle des aidants, y compris des mineurs, des bénévoles et des familles dans l’accompagnement à la fin de vie, devra lui aussi être évoqué.
La ministre attend également des éléments relatifs aux apports de « l’innovation sous toutes ses formes (produits, processus, organisation) ». La recherche devra aussi être prise en compte. La mission sera chargée de travailler à l’émergence d’une filière dédiée.
« Je voudrais croire qu’il y a une vraie prise de conscience »
A travers ces travaux, le Gouvernement attend de la commission « la définition d’un cadre nouveau et la mise en perspective de son déploiement ».
Les travaux se dérouleront en deux étapes. La première s’achèvera le 13 juillet et verra la production de recommandations sur les principes et enjeux qui s’attachent au plan décennal, ainsi que sur la méthodologie. En fin d’année viendra ensuite la production d’un rapport précisant le contenu et les modalités de déploiement du plan décennal ainsi que la transformation de l’offre de soins.
Reste à savoir si le plan sera mis en pratique afin de développer enfin les soins palliatifs à leur juste mesure. Les actes suivront-ils les mots ?
Les soignants ne semblent pas convaincus. Interrogé par La Croix en marge du congrès de la SFAP, le docteur Alexis Burnod, chef de l’équipe mobile de soins palliatifs à l’Institut Curie de Paris déclare : « Je voudrais croire qu’il y a une vraie prise de conscience de la nécessité de développer l’offre et la culture palliatives, mais j’y croirais davantage si ce gouvernement n’essayait pas, au même moment et dans le même texte de loi, d’autoriser l’euthanasie et le suicide assisté, qui ne sont pas compatibles avec la philosophie du soin ».
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