Hier, les députés ont entamé en séance la troisième lecture du projet de loi bioéthique. Durant l’examen du texte par la commission la semaine dernière, les députés avaient rétabli à peu de choses près leur texte de 2ème lecture, faisant fi des modifications plus éthiques apportées par le Sénat (cf. Projet de loi bioéthique : la commission campe sur sa version de 2ème lecture).
Le bras de fer se poursuit, comme en témoigne le ton de la discussion générale hier après-midi et le début de l’examen de l’article 1 sur la PMA. La majorité des députés restent déterminés à voter en séance la PMA sans père, l’autoconservation des ovocytes de confort, la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines, les embryons chimériques ou transgéniques, et la banalisation de l’avortement tardif.
Temps programmé
Les 1588 amendements déposés pour tenter d’enrayer le rouleau compresseur transgressif ne devraient pas faire le poids pour changer les choses.
D’abord parce que les députés sont de moins en moins nombreux dans l’hémicycle, surement du fait du temps programmé qui ne leur permet pas de prendre la parole comme ils le souhaiteraient. Chaque minute est décomptée du temps prévu pour chaque groupe : 2h50 pour Les Républicains, 20 minutes pour les non-inscrits, 2h20 pour LaREM, 1h10 pour les GDR par exemple. Ensuite, parce que la majorité a déjà démontré sa volonté d’adopter ce projet de loi comme mesure sociétale phare du quinquennat d’Emmanuel Macron (cf. Révision de la loi de bioéthique : ultimes débats en juin).
Motion de rejet
Emmanuelle Ménard (non inscrite), qui a défendu une motion de rejet du texte, a dénoncé de bout en bout ce projet de loi qui rend « coupable le père nécessaire à la conception d’un enfant et à l’engendrement d’une lignée […], qui créé des chimères faisant fi des risques visés par le Conseil d’Etat […], s’en prend à l’embryon, cette forme la plus jeune de l’être humain, si fragile et que l’on s’arrache au point de tout mettre en œuvre pour que chaque ventre de femme puisse en porter un mais qui en même temps est vu comme un vulgaire tas de cellules que l’on sélectionne selon sa qualité et sur lequel on pourra faire des recherches durant ces 14 premiers jours. […] Demain ce sera la ROPA, la PMA post mortem, la GPA ». La motion de rejet n’est pas adoptée et Emmanuelle Ménard ne pourra plus défendre ses amendements, son temps imparti étant écoulé.
Confusion, approximations, amalgames
Pour cette 3ème lecture, on peut encore une fois noter des confusions dans les propos des promoteurs de la PMA sans père mais aussi de ceux de la recherche sur l’embryon humain.
Olivier Véran, ministre de la santé, s’est félicité en ouvrant la discussion générale d’un texte « équilibré, responsable sans tiédeur, ambitieux sans être aventurier ». Ces mots ont du mal à résonner quand on entend ensuite la ministre de la recherche Frédérique Vidal plaider pour « la liberté dont les chercheurs ont besoin », tout en garantissant « des interdits majeurs » que l’on peine à voir avec le retour du transgénique et des chimères ou la création de copies d’embryon humain et de gamètes artificiels. C’est aussi le garde des sceaux Eric Dupond-Moretti qui assume : « il existe certes un lien entre PMA et gestation pour autrui (GPA), puisque l’une et l’autre supposent l’utilisation de techniques d’assistance médicale à la procréation », tout en affirmant que « l’interdit de la GPA reste une ligne rouge infranchissable pour le Gouvernement ». GPA qui, dans « certains pays, […] se passe très bien » ose-t-il.
La confusion est aussi largement encouragée par les rapporteurs du texte. Coralie Dubost (LaREM), émue, évoque la dureté des procédures d’assistance médicale à la procréation (AMP), la rupture d’intimité qu’elles provoquent, et en même temps, la place aussi éprouvante des pères dans une AMP avec tiers donneur. Elle en vient même à délivrer un message de « soutien aux hommes qui suivent un parcours AMP […] ils sont aussi, je crois, atteints dans leur intimité, notamment en raison des croyances populaires sur la masculinité […] messieurs, ne doutez pas, ni de votre qualité d’homme ni de votre qualité de père à venir. Un spermogramme ne dit rien de votre force, de votre puissance amoureuse, de votre engagement paternel. ». Et, en même temps, cette même rapporteure appuie « la liberté intime de devenir parent » pour les femmes homosexuelles et célibataires, autrement dit, de supprimer la figure du père.
Enfin, ce sont les propos de Philippe Berta (Mouvement démocrate) qu’il faut souligner. Lui aussi entretient nettement la confusion pour justifier la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines : « gages d’avenir pour les biothérapies des années à venir, notamment pour les 3 millions d’enfants qui souffrent de maladies rares ». Sa collègue Sylvia Pinel (PRG) insiste elle aussi sur les bienfaits pour la thérapie génique des cellules souches embryonnaires humaines. Mais faut-il le rappeler ? La recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines et la thérapie génique ne peuvent pas être présentées ainsi, comme si l’une était l’autre. La thérapie génique consiste principalement à modifier un ou des gènes. La thérapie cellulaire consiste principalement à greffer des cellules souches (embryonnaires, adultes ou reprogrammées). L’invocation des enfants atteints de maladies rares, ou encore, des cancers pédiatriques comme le fait Aurore Bergé (LaREM), qui va jusqu’à invoquer « la souveraineté de la France » pour justifier la recherche sur l’embryon, sont des arguments faussement compassionnels, grandiloquents, pour mieux faire adhérer à la destruction d’embryons humains par les scientifiques.
La PMA post mortem
En toute fin de soirée, après un débat lassant, au cours duquel on peut noter la ténacité et le courage des députés de l’opposition qui défendent le respect de l’enfant, comme Patrick Hetzel, Xavier Breton, Julien Ravier, Anne-Laure Blin (LR), les députés ont rejeté la PMA post mortem par 47 voix contre 23.
A nouveau des députés de gauche, confortés par le rapporteur Jean-Louis Touraine (LaREM) ont poussé pour obtenir le droit d’engendrer après la mort du conjoint. Ils soulignent de fait une contradiction évidente du texte : la veuve pourra, en tant que femme seule faire une PMA avec tiers donneur, mais ne pourra pas implanter ses embryons congelés issu de son défunt mari. Elle pourra donner ses embryons à un autre couple, à la recherche ou les détruire. Oui la situation n’est pas évidemment pas éthique, ni logique, mais comment accepter de faire naître l’enfant d’un mort ?
La soirée se terminera sur cette note positive. On en vient à se satisfaire de peu… Les débats se poursuivent cet après-midi, sur l’article 1. Suivez le live tweet de @Genethique.