Fin de vie : les maisons d’accompagnement, « des maisons de la mort » ?

15 Mai, 2024

La deuxième journée de débat en commission spéciale sur le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie commence dans un climat tendu (cf. Soins palliatifs, soins d’accompagnement : que retenir du premier jour de débats ?). La présidente, Agnès Firmin Le Bodo, annonce la décision d’irrecevabilité de nombreux amendements qui créeraient des dépenses pour la Sécurité Sociale, ce qui est contraire à l’article 40 de la Constitution (cf. Fin de vie : l’examen des amendements débute, les débats sont lancés). S’ensuit un émoi général, de députés de tous bords, comme Sandrine Rousseau (Nupes), Patrick Hetzel (LR) ou encore Gilles Le Gendre (Renaissance). Ils dénoncent le manque de sincérité du débat. La question de la collégialité, ou encore celle du moyen terme, se trouve écartée du débat, alors qu’on peine à voir en quoi elle engendre des dépenses et qu’elle est au cœur des questions soulevées par les personnes auditionnées précédemment par la commission. L’enjeu est aussi celui de la démocratie (cf. 278 amendements supprimés pour éviter « la création ou l’aggravation d’une charge publique »).

Des amendements adoptés

Une fois cet émoi passé, la discussion des amendements débute. En 7 heures de débat, les députés examinent 116 amendements pour en adopter 15, et finissent par un vote de l’article 2 à minuit. C’est donc sur les « maisons d’accompagnement », nouvelles structures médico-sociales créées par le projet de loi, que le débat a lieu.

Parmi les modifications du projet de loi adoptées, on peut citer :

– l’accès effectif des soins d’accompagnements, avec l’amendement CS1059 de Sandrine Rousseau (Nupes)

– la formation à l’accompagnement de la fin de vie et à l’approche palliative pendant les études médicales avec l’amendement CS1394 d’Elsa Faucillon (Nupes). Des formations spécifiques aux soins d’accompagnement et à la fin de vie sont aussi prévues dans la formation initiale et continue des professionnels de santé, comme inscrit dans la stratégie décennale, suite à l’amendement CS1311 de Christophe Marion (Renaissance). Et la création d’un diplôme d’études spécialisées de médecine palliative et soins d’accompagnement a été adoptée avec l’amendement CS755 de Laurent Panifous (LIOT)

– la formation des professionnels des établissement médico-sociaux en général, dont les maisons d’accompagnement, portera aussi sur les enjeux relatifs à l’accompagnement des personnes en situation de handicap suite à l’amendement CS 1153 de Sébastien Peytavie (Nupes).

– la création d’indicateurs statistiques sur l’offre de soins palliatifs, le recours à la sédation profonde et continue jusqu’au décès, ainsi qu’aux directives anticipées a été ajouté avec l’amendement CS1839 de Caroline Fiat (Nupes), ainsi que la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’offre de soins palliatifs et les soins d’accompagnement suite aux amendements CS 1969 de Didier Martin (Renaissance) et CS1373 d’Elsa Faucillon

– le droit de recevoir des visiteurs de leur choix par les personnes accueillies en maison d’accompagnement a été adopté avec l’amendement CS1984 du rapporteur Didier Martin (Renaissance)

– la dénomination, le statut juridique et le fonctionnement des maisons d’accompagnement ont tenté d’être précisés. Ces « maisons d’accompagnements et de soins palliatifs » selon l’amendement CS932 de Cécile Rilhac (Renaissance) ont une personnalité morale de droit public ou de droit privé à but non lucratif d’après l’amendement CS 1844 de René Pilato (Nupes). Le groupe LFI nourrit en effet des craintes que ce type de maisons soient récupérées par le secteur privé à des fins lucratives. Elles pourront passer des conventions avec des unités de soins palliatifs et des équipes mobiles, prévoit l’amendement CS762 de Laurent Panifous et des bénévoles pourront y intervenir avec l’amendement CS 487 de Yannick Neuder (LR).

Enfin, Caroline Fiat obtiendra des dispositions pour systématiser l’information des aidants des personnes accueillies dans ces maisons avec l’amendement CS1872, ainsi qu’un rapport du Gouvernement au Parlement sur le coût, et les modalités d’une réforme du congé solidarité familiale afin d’en augmenter le taux de recours et de revaloriser l’indemnisation suite à l’amendement CS1851.

La ministre passe aux aveux

Il aura fallu peu de temps à Catherine Vautrin pour reconnaitre que « oui, l’aide à mourir pourra être réalisée dans les maisons d’accompagnement » (cf. L’euthanasie : une menace pour les soins palliatifs ?). Un aveu qui fait réagir plusieurs députés, au premier rang desquels Patrick Hetzel (LR) qui avait challengé la ministre sur ce point, sans rien obtenir d’elle la veille. « Il y a donc bien une cohérence dans construction de votre texte : les maisons d’accompagnement créées dans le titre I ont bien comme finalité de proposer euthanasie et suicide assisté, traités dans le titre II » souligne-t-il (cf. « L’Etat doit-il donner au médecin le pouvoir de dire “parce que vous voulez mourir, je vais vous tuer” ? »). Christophe Bentz (RN) s’insurge lui-aussi : « Vous dites que les maisons d’accompagnement sont des lieux de soins et de bien-être. L’administration d’une substance létale n’est ni un soin, ni du bien-être. A aucun moment l’aide à mourir n’est évoquée dans ce titre I, cela pose un problème de transparence et de vérité » (cf. « Soins d’accompagnement » : médecins et infirmiers opposés au changement de terminologie).

De grandes ambitions, mais des budgets dérisoires

Dans le courant de la discussion, Philippe Juvin (LR) pousse par ailleurs la ministre de la Santé dans ses retranchements sur la question budgétaire. Elle annonce en effet un budget de 970 000 euros par an dédié aux maisons d’accompagnements, en fixant l’objectif suivant : ouvrir 10 maisons expérimentales en 2025 pour créer un référentiel, puis 100 maisons en 10 ans, soit une par département. Le député l’interpelle : « 1 million sur 365 jours, cela revient à 2 700 euros disponibles par jour pour le fonctionnement de la maison. Si l’on prend un tarif journalier faible, à 500 euros, cela signifie que 5 patients peuvent être accueillis par jour. Est-ce cela votre ambition ? » (cf. Plan décennal sur les soins palliatifs : « il faudrait être naïf pour s’y fier »). La ministre répondra par une liste de postes de dépenses lue à la hâte. Cela ne changera pas le sentiment laissé : de « belles paroles », mais une impossible mise en œuvre, comme pour les soins palliatifs.

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