Le 5 juillet, lors d’une audition devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Véronique Hamayon, présidente de la 6ème chambre, a présenté le rapport de la Cour des comptes relatif aux soins palliatifs (cf. Soins palliatifs : un rapport commandé à la Cour des Comptes). Une source d’inspiration pour la « stratégie décennale » de développement des soins palliatifs promise par le Gouvernement et dont les grands axes devraient être dévoilés le 13 juillet prochain par le professeur Franck Chauvin, coordinateur des travaux (cf. Soins palliatifs : création de « l’instance de réflexion » préfigurant le plan décennal, Plan décennal sur les soins palliatifs : un nouveau cadre ?).
Une offre en progrès mais toujours insuffisante
La Cour dresse d’abord un constat : la France a progressé depuis 15 ans et rentre désormais dans la moyenne des pays de l’OCDE alors qu’en 2019, elle se situait au 17ème rang sur 38 pour la densité de son offre. « L’offre a augmenté d’environ 30% tandis que les dépenses ont progressé de 24,6% depuis 2017 pour s’établir à près de 1,5 milliard d’euros en 2021 », souligne le rapport. Cependant, l’offre des soins palliatifs reste lacunaire surtout en ville, à domicile ou en Ehpad. Au total environ 52% des patients qui pourraient prétendre à des soins palliatifs n’y ont pas accès. Pourtant ce droit existe depuis 1999 comme l’a rappelé le député Didier Martin (Renaissance) lors de l’audition.
Vers une augmentation de la demande
Entre 2008 et 2017 les besoins semblent s’être stabilisés comme l’évoque le rapport, mais Véronique Hamayon explique que les perspectives sont préoccupantes. En effet, le nombre de personnes ayant recours aux soins palliatifs va croître sous l’effet du vieillissement de la population. D’ici 20 ans, le nombre de personnes de 75 ans et plus devrait augmenter d’environ 60%, ce qui laisse présager une augmentation significative des besoins de soins palliatifs d’environ 23% (cf. L’« Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie en France » mis à jour).
« Une organisation administrative trop timide »
Le rapport évoque « un vrai volontarisme » de la politique publique pour s’attaquer au problème mais l’« organisation administrative [reste] trop timide ». Il existe une « insuffisance patente de gouvernance ». Pour y remédier, la Cour des comptes préconise de confier le pilotage des soins palliatifs à la seule direction générale de l’offre des soins au ministère.
Elle recommande également de favoriser la cohérence des plans entre eux. En effet le rapport pointe « l’absence de stratégie globale » constatée dans la mise en œuvre, depuis 1999, de 5 plans pluriannuels de développement, « plus juxtaposés que coordonnés » et souvent lancés « sans objectifs bien identifiés, ni hiérarchisés et mesurables », et sans articulation avec les autres plans santés connexes (cf. Fin de vie : Les soins palliatifs, « parent pauvre de la médecine »). La Cour des comptes propose de suivre l’exemple de l’Autriche ou celui du Royaume-Uni en établissant des « objectifs fixés et chiffrés » et un échéancier.
Clarifier le financement
La Cour recommande que soit conduite une étude approfondie des coûts des soins palliatifs à l’hôpital afin d’évaluer la pertinence de la tarification actuelle, objet de critiques récurrentes. Aujourd’hui, à l’hôpital, les lits dédiés aux soins palliatifs bénéficient d’une surcote, variable de 30 à 50% par rapport au tarif appliqué pour un lit dans un service dit « classique ». Quant à la tarification à l’acte, utilisée en ville, elle ne correspond par à une prise en charge palliative qui demande du temps de soin et d’accompagnement.
Le rapport propose donc de « rééquilibrer l’offre des soins entre l’hôpital et la ville et de développer les solutions intermédiaires – type hospitalisation à domicile ou hôpital de jour ». Une mesure qui permettrait de répondre au vœu de la plupart des Français de finir leurs jours chez eux.
La Cour propose également la création d’un « forfait soins de confort palliatifs » pour les médecins qui suivent un patient à domicile et une meilleure rémunération des infirmières libérales qui prodiguent ces soins.
Développer la formation des soignants
En 2021, seulement 2% des 80.000 généralistes ont choisi l’option soins palliatifs en formation continue (cf. Soins palliatifs : les six propositions de la SFAP). Le rapport recommande donc un « vaste effort de formation des soignants » mais aussi « un plan massif pour les auxiliaires de santé en Ehpad ». Il souhaite aussi donner aux aidants les compétences pour accompagner leurs proches notamment grâce à une « éducation thérapeutique ».
Le coût de formation de 88.000 soignants et 24.000 infirmiers est estimé à 56 millions d’euros par les magistrats.
La Cour des comptes propose également la généralisation des équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP). « Il faudrait créer 220 EMSP extrahospitalières supplémentaires pour couvrir l’ensemble du territoire, ce qui représenterait un coût de 73,6 millions d’euros. Et leur donner la capacité de prescrire directement » souligne le rapport.
Favoriser le développement de la « culture palliative »
La Cour propose aussi la mise en place d’une campagne d’information du public pour le sensibiliser à la « culture palliative ». Comme de très nombreuses voix avant elle, la Cour des comptes souligne que « lorsque les patients ayant demandé l’aide active à mourir reçoivent des soins palliatifs, leur demande de mort recule » (cf. Pas de nouvelle loi avant de développer les soins palliatifs ?).