Téléthon : liberté d’expression ?

Publié le 6 Déc, 2006

Le député  d’Essone et maire d’Evry, Manuel Valls (PS), a posé hier une question sur la polémique du Téléthon au Gouvernement, lors d’une session de l’Assemblée nationale. Il a dénoncé "des accusations d’eugénisme formulées par plusieurs évêques concernant l’utilisation d’une partie des dons faits à l’Association française contre les myopathies pour financer la recherche génétique (…)" .

Puis, il s’est emporté publiquement : "Nous ne pouvons pas tolérer qu’on porte atteinte au principe de la laïcité. L’Église catholique a un rôle à jouer, mais son point de vue doit être entendu au même titre que celui d’autres religions, institutions, philosophies ou organisations. Elle n’a pas à exercer une quelconque pression sur une association reconnue d’utilité publique et sur les familles qui ont recours aux diagnostics génétiques ni à culpabiliser l’ensemble des donateurs (…). Il est intolérable qu’une partie des évêques, influencés par des réseaux ultraconservateurs, et en particulier le mouvement anti-avortement lié à la Fondation Lejeune, puissent prendre l’événement en otage, en invitant les catholiques à ne plus encourager l’action de l’AFM". Il a demandé alors le soutien inconditionnel du Gouvernement au Téléthon.

Répondant à cette question, Xavier Bertrand, ministre de la santé a déclaré : "la seule question qui vaille est celle du rassemblement de chacun autour des valeurs de partage et de solidarité, autour de la défense de la vie elle-même. Les Français auront à cœur de les défendre en fin de semaine à l’occasion du Téléthon !".

Dans Le Figaro, Bernard Barataud, président du Laboratoire Généthon, financé par le Téléthon, accuse l’Eglise catholique d’avoir "mobilisé ses troupes extrémistes pour lancer la polémique et faire le sale boulot !". Il considère que dire que " l’AFM porte une responsabilité dans l’accès au diagnostic préimplantatoire permettant de sélectionner les embryons sains" est un "mensonge éhonté" (voir NDLR).

ll est intéressant de noter que Bernard Barataud admet néanmoins que "la question des recherches effectuées par l’équipe de Marc Pechanski, à l’Inserm, même si elles sont approuvées par le corps social puisse provoquer des interrogations. Si nous avions pu éviter d’emprunter cette voie, nous l’aurions fait."

Les positions au sein de l’Eglise protestante diffèrent. Le président de la Fédération protestante de France (FPF), Jean-Arnold de Clermont n’est pas opposé à la recherche sur l’embryon parce que : "sans projet parental, nous ne faisons pas de l’embryon un être plein". Il craint néanmoins que "la fabrication en trop grand nombre d’embryons surnuméraires (…)" dérive vers des fins "totalement utilitaristes et une instrumentalisation de l’embryon et du vivant". Dans un communiqué, le Comité protestant évangélique pour la dignité humaine (CPDH) lui, s’inquiète des risques de dérives eugénistes liées au DPI et de la mort des embryons après expérimentation.

Mais l’Eglise catholique continue de poser les questions au cœur du débat. Le cardinal Barbarin, archevêque de Lyon, a rappelé hier devant les médias que "les catholiques à l’intérieur de la société française ont le droit de dire leur opinion". "Pour nous, ces embryons ne sont pas des choses, mais des êtres humains. Et du plus profond de notre foi, nous ne pouvons accepter qu’ils soient triés, détruits, objets d’expériences (…)." Il a insisté sur le fait que l’Eglise "n’a rien à y gagner" en posant ces questions. Si les dons du Téléthon baissent, la faute sera imputée à l’Eglise et "s’ils augmentent, certains s’en serviront comme d’une preuve de la perte d’influence de l’Eglise catholique. Il s’agit simplement d’être des témoins, selon notre conscience et de rappeler encore une fois que ce qui est légal n’est pas toujours moral".

Mgr Vingt-Trois, archevêque de Paris, s’est à nouveau exprimé, cette fois-ci dans le journal Le Monde : "Nous ne revendiquons rien pour l’Eglise ; nous posons des questions qui concernent l’avenir de l’humanité… On ne peut pas être en accord avec certaines des dispositions de la loi que nous tenons pour moralement injustes(…). Il prévient qu’au niveau de la communauté européenne, le cadre légal et éthique français sera sans doute bientôt dépassé par des directives européennes et des lobbies financiers puissants. Si l’Eglise ne prend pas la parole aujourd’hui, on dira dans quelques années : "Pourquoi l’Eglise s’est-elle tue ?".

Enfin, il interroge : "Se posent ici deux questions plus profondes : pourquoi existe-t-il aujourd’hui une telle fascination pour la recherche sur l’embryon humain? Quelles sont les raisons de cette fascination ?".

NDLR : C’est le lobbying de l’AFM auprès de l’Etat qui a obtenu le décret d’application du diagnostic pré-implantatoire. Eric Molinié, ancien président de l’AFM, s’en explique : « Par exemple, en 1997, nous avons adopté une résolution sur le diagnostic pré-implantatoire (DPI) pour demander au gouvernement de voter les décrets d’application de la loi sur la bioéthique le concernant1». En 2000, après la naissance du 1er bébé obtenu après DPI, l’association se réjouit : « ce résultat (…) récompense le militantisme de l’AFM sur ce sujet2».

1. Eric Molinié, in La bioéthique, foire aux fantasmes, 2001

2. Communiqué de presse, AFM, 30/11/2000

La Croix ) 06/12/06 – Le Figaro (Sophie de Ravinel) 06/12/06 – Le Monde (Jean-Yves Nau, Cécile Prieur) – Le Quotidien du Médecin (Stéphanie Hasendahl) 06/12/06

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