Le 30 octobre, la Cour d’assises de l’Aube a acquitté un homme jugé pour avoir étranglé son épouse malade afin d’« abréger ses souffrances ». La procureure générale près la Cour d’appel de Reims, Dominique Laurens, a fait appel de la décision.
« On ne peut pas s’arroger le droit de tuer »
Le 11 octobre 2021, Bernard Pallot, âgé de 78 ans, avait injecté du cyanure de potassium à son épouse Suzanne avant de l’étrangler avec un fil électrique. Un acte accompli « par amour » et « à sa demande » affirme-t-il.
Lors des réquisitions, l’avocat général, Mickaël Le Nouy, avait rappelé que « cet assassinat », « présenté comme un geste d’amour » est « un geste interdit par la loi ». « On ne peut pas s’arroger le droit de tuer », a affirmé l’avocat général, requérant huit ans de prison.
Un procès politique
Au cours de l’audience, la défense avait plaidé un acte « à la limite entre le suicide assisté et l’euthanasie » qui serait « emblématique » d’un « vide juridique ». Me Frédéric Verra, l’avocat de Bernard Pallot, avait ainsi fait citer comme témoins l’association militante Ultime Liberté (cf. Une dizaine de militants pro-euthanasie interpelés en France) et le député Olivier Falorni, membre du comité d’honneur de l’association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) (cf. Fin de vie : la proposition de loi d’Olivier Falorni enregistrée à l’Assemblée nationale).
Sans se présenter à la barre pour « ne pas faire pression sur la cour », l’élu a toutefois commenté sa décision. « A travers cette décision de justice, le peuple français s’adresse aux députés et sénateurs en leur demandant de légiférer », considère-t-il.
Un cas sans rapport avec la proposition de loi
« Il faut absolument que la loi évolue », a soutenu Bernard Pallot. Pourtant cette affaire aurait-elle été évitée si la loi avait été adoptée comme l’a soutenu son avocat ? « Rien n’est moins sûr. »
En effet, « en l’état, le texte ouvre l’accès à une “aide à mourir” à condition que le patient qui la demande soit en phase terminale ou avancée ». Or Suzanne Pallot souffrait d’une maladie de Carrington, maladie rare et incurable qui provoque des difficultés respiratoires, « mais qui peut se traiter par la prise de cortisone ». « Elle était également fragilisée par une ostéoporose qui lui a valu plusieurs fractures dont une du col du fémur pour laquelle elle avait été opérée en septembre 2021. » Ainsi, son état de santé lui « provoquait des souffrances et des angoisses importantes » mais n’engageait pas son pronostic vital, comme l’ont affirmé les experts médicaux consultés lors du procès.
« Ce type de drame ne signifie pas qu’il manque une loi pour tuer les gens qui souffrent et qui sont isolés mais rappelle qu’il manque un accès aux soins et des prises en charge adaptées pour les accompagner », analyse Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP).
Médiatiser la souffrance ?
« L’affaire Pallot n’est pas la première et ne sera sans doute pas la dernière affaire médiatisée à réactiver le débat sur la fin de vie. » « Au risque que l’émotion l’emporte sur la réflexion ? » interroge le journaliste Antoine d’Abbundo dans le journal La Croix.
« Il est préoccupant de voir que se seront tenus deux procès pour meurtre en un mois, dans des situations où les personnes “plaident l’euthanasie” », pointe de son côté l’avocat et essayiste Erwan Le Morhedec sur X (cf. Après avoir mis le feu au matelas de son grand-père, elle est reconnue « coupable d’assassinat »). « Les débats en cours ont-ils un effet de banalisation ?, interroge-t-il. Sommes-nous vraiment en train d’avaliser une équivalence entre tuer et aimer ? »
Sources : La Croix, Antoine d’Abbundo (31/10/2024) ; France info, Jérôme Chapuis et Jean-Rémi Baudot (31/10/2024) ; AFP (31/10/2024)