Alors que 156 députés ont publié dans le Monde une tribune pour demander au gouvernement de légiférer sur la fin de vie, Xavier Breton, député de l’Ain, réagit pour Gènéthique.
Gènéthique : 156 députés ont publié une tribune dans laquelle ils demandent au gouvernement de légiférer avant fin 2018 sur la fin de vie pour promouvoir l’euthanasie et/ou le suicide assisté. Quelle a été votre réaction ?
Xavier Breton : Qu’une tribune circule auprès des députés, c’est quelque chose qui est de l’ordre de l’exercice démocratique. Et pour celle-ci, tous les députés ont été sollicités. Ce qui est plus inhabituel, c’est qu’elle fasse la une du Monde. Ce qui montre bien qu’elle fait partie d’une opération bien orchestrée, coordonnée qui répond à un calendrier précis avec pour objectif est de faire pression sur le gouvernement. C’est une offensive sans précédent qui a commencé avec la proposition de loi du groupe France insoumise. Et ce sont toujours les mêmes arguments qui sont avancés pour justifier ces « évolutions » législatives : un mélange entre ce qui se fait à l’étranger pour imposer en France un moins disant éthique, et de bons sentiments qui s’accompagnent d’une culpabilisation pour ceux qui ne seraient pas d’accord. Des ressorts qui malheureusement fonctionnent. Pourtant, sur ces questions, les soins palliatifs sont une réponse au mal mourir. J’ai déposé une proposition de loi en ce sens. Elle est cosignée de 70 députés. Elle n’a été relayée par aucun média.
G : Comment les 421 autres députés de l’hémicycle ont-ils réagi ?
XB : Vous avez raison, 156, c’est un nombre conséquent de députés mais il ne représente qu’un quart des élus. Parmi les trois quarts de ceux qui n’ont pas signé ou cosigné, il y a des députés de LRM. Or quand un groupe lance une pétition de cette envergure, elle devrait susciter l’ adhésion. Dans ces conditions, quand un député ne signe pas, il manifeste clairement son désaccord, sa volonté de ne pas se laisser enfermer dans un débat. Du côté du gourvernement, au ministère de la santé, on ne souhaite pas, aujourd’hui, aller dans cette direction. Malgré tout, si une partie du groupe LRM souhaite accélérer le processus législatif et passer en force, nous serons quant à nous très attentifs aux positions du gouvernement pour, le cas échéant, tirer le signal d’alarme.
G : Les signataires ne prennent pas en otage les Etats généraux en estimant qu’il faut légiférer immédiatement ?
XB : Traditionnellement, la fin de vie a toujours fait l’objet d’une législation distincte de celle des lois de bioéthique. Elle a été intégrée en force, avec accord du CCNE, dans les Etats généraux. Légiférer à part sur la fin de vie était particulièrement pertinent : insérer cette réflexion dans la loi de bioéthique alors que cette loi prend en compte les questions de dons d’organes pose question : est-ce qu’on veut accélérer les décès pour récupérer les organes ? Est-ce que les institutions ne risquent pas d’être suspectées en associant ces problématiques ?
G : Comment abordez-vous la révision de la loi de bioéthique ?
XB : Lors de la révision de la loi de bioéthique de 2011, une mission d’information spécialement chargée de l’évaluation de la loi de 2004 et de sa mise en œuvre avait été mise en place par l’Assemblée nationale. Les députés y ont travaillé pendant 17 mois, en 2009 et 2010. Ils ont auditionné, ils se sont formés sur les aspects techniques, juridiques, éthiques qui sont indispensables pour aborder ces enjeux. Aujourd’hui, l’Agence de la biomédecine va faire son rapport, ainsi que l’OPCST[1], le Conseil d’Etat, le CCNE[2]. La commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale a mené quelques auditions, essentiellement sur la fin de vie. Jean-Louis Touraine a été chargé d’une mission flash, toujours sur la fin de vie, mais il n’y a pas de mission d’information pour évaluer le précédent texte de loi. Pourtant, depuis 2011, il y a eu beaucoup d’évolutions !
De plus, l’Assemblée a été profondément renouvelée et compte tenu de l’importance et de la diversité des questions à aborder, une telle mission aurait toute sa raison d’être. Les députés qui sont aussi des médecins ont une parole qui porte, mais ils ne doivent pas monopoliser le débat. Parce que ces sujets concernent toute la société. C’est au président de l’Assemblée nationale de mettre en place cette mission. A ce jour, aucune disposition n’a été prise en ce sens.