La ministre de la Santé du Québec, Danielle McCann, « est revenue sur sa décision d’élargir l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale dès le 12 mars prochain ». Une décision en attente des résultats de la « consultation élargie, complète qui doit être menée ».
Cette disposition était annoncée dans le cadre de l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir (cf. Canada : l’aide à mourir toujours plus accessible) suite au « jugement ayant donné raison à Nicole Gladu et à Jean Truchon », ceux-ci ayant eu gain de cause auprès de la Cour supérieure (cf. Québec : une décision de justice élargit l’aide médicale à mourir). « L’aide médicale à mourir devait être ouverte aux personnes qui ne sont pas en ″fin de vie″ ». La portion de la loi québécoise relative au critère de « fin de vie » a été jugée « inconstitutionnelle » et deviendra inopérante le 12 mars. En effet, rendu à l’automne, le jugement de la Cour supérieur « donnait six mois à Québec et Ottawa pour modifier leur loi ».
Toutefois, pour l’avocat Jean-Pierre Ménard, « les individus souffrant de maladie mentale pourront demander l’aide médicale à mourir pourvu qu’ils remplissent les critères de la Loi sur les soins de fin de vie », à savoir être atteint « d’une maladie grave, incurable », éprouver « des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et ne pouvant être apaisées dans des conditions jugées tolérables ». Et ce « même si elles ne sont pas en fin de vie ». Et que le patient « ait des antécédents psychiatriques ou non » pourvu que la personne soit « apte à consentir à l’aide médicale à mourir » selon l’avocat. « Nous prenons une pause essentiellement pour les personnes qui ont un problème de santé mentale sévère et persistant », a déclaré la ministre.
Les médecins, à travers la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) et la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), « ont accueilli favorablement la tenue d’un débat de société sur la possibilité d’élargir l’accès à l’aide médicale à mourir ». Pour Diane Francoeur, présidente de la FMSQ, « le débat n’appartient pas aux médecins ». Et quand un sondage paru récemment indique que 64% d’entre eux « croient que l’accès à l’aide médicale à mourir doit être ″plus facile″ », l’élue péquiste Véronique Hivon s’interroge sur le fait qu’ « un grand nombre de médecins prône un plus grand accès à l’aide médicale à mourir alors qu’un ″nombre infime″ accepte de l’administrer ». Selon les résultats du sondage, « 52 % se disent en faveur de l’aide médicale à mourir, mais disent ne pas vouloir en faire personnellement ». 43 % des répondants estiment qu’ « ils seraient capables de procéder à l’aide médicale à mourir avec un de leurs patients », mais 42 % disent qu’ils auraient besoin d’ « aide psychologique » ensuite. Et pour ce qui est des personnes atteintes de maladies mentales, plusieurs médecins manifestent « un réel inconfort ». Le docteur Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins, juge que la « barrière humaine la plus forte, c’est de causer la mort à quelqu’un qui ne sait pas ce qu’on lui fait ». Actuellement, « seulement 3 % des médecins du Québec procèdent à l’aide médicale à mourir ».
La ministre Danielle McMann s’est « aussi engagée publiquement à travailler très fort afin que la législation fédérale et québécoise soient harmonisées dans le futur ». La conséquence probable : que sa réflexion sur des questions comme l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de maladie mentale soit « grandement influencée par celle du gouvernement canadien ».
En 2019, 1589 demandes d’aide médicale à mourir ont été déposées au Québec, un chiffre qui a plus que triplé par rapport à l’année 2016.
Pour aller plus loin :
Québec: le nombre d’aide médicale à mourir a doublé cette année
Le Devoir, Marco Bélair-Cirino (28/01/2020) – La Presse, Karine Millaire (27/01/2020), Ariane Lacoursière (27/01/2020)