Des chercheurs de l’université Queen Mary à Londres ont découvert un gène « qui peut naturellement supprimer les signes de la maladie d’Alzheimer dans les cellules du cerveau humain ». Ils ont également « développé un nouveau système de criblage rapide des médicaments qui pourraient potentiellement retarder ou prévenir la maladie ». Leurs résultats ont été publiés dans la revue Molecular Psychiatry[1].
« Le principal défi des essais cliniques des médicaments contre la maladie d’Alzheimer est que les participants doivent présenter des symptômes. Mais une fois que les personnes ont des symptômes, il est généralement trop tard pour que les traitements aient un effet significatif, car de nombreuses cellules du cerveau sont déjà mortes. » Alors, « actuellement, la seule façon de tester de potentiels traitements préventifs est d’identifier des participants qui présentent un risque plus élevé de développer la maladie d’Alzheimer et de voir si les traitements empêchent l’apparition de la maladie ». Parmi ces participants potentiels : « les personnes porteuses de trisomie 21 qui ont environ 70 % de risques de développer la maladie d’Alzheimer au cours de leur vie ». En effet, « le chromosome 21 supplémentaire qu’elles portent comprend le gène du précurseur de la protéine amyloïde qui, en cas de surproduction ou de mutation, provoque un Alzheimer précoce ».
Dans l’étude qu’ils ont publiée, les chercheurs ont produit des cellules nerveuses en reprogrammant des cellules issues de cheveux de personnes porteuses de trisomie 21. Et ils ont observé « une pathologie semblable à celle de la maladie d’Alzheimer se développer rapidement ». Une pathologie caractérisée par « le trio typique des signes de progression de la maladie : lésions semblables à des plaques amyloïdes, mort neuronale progressive et accumulation anormale de protéine tau à l’intérieur des neurones ». « Je pense que nous avons maintenant le potentiel pour développer un nouveau modèle humain de la maladie, ce qui serait un grand pas en avant » a déclaré le professeur John Hardy de l’UCL, co-auteur de l’étude.
Pour le professeur Dean Nizetic, chercheur à l’université Queen Mary, ce travail est une « réalisation remarquable » car « il s’agit du premier système cellulaire qui présente le trio complet des pathologies caractéristiques de la maladie d’Alzheimer, sans aucune surexpression artificielle des gènes ». Un système qui ouvre selon lui des perspectives au criblage de « nouveaux médicaments visant à retarder ou même à prévenir la maladie d’Alzheimer avant que la mort neuronale ne commence ».
Ainsi, les chercheurs ont testé « sur ces cellules cérébrales deux médicaments différents connus pour inhiber la production de β-amyloïde et, en six semaines, ont montré qu’ils prévenaient l’apparition de la pathologie d’Alzheimer ». Bien que ces deux médicaments aient échoué par ailleurs aux essais cliniques « pour d’autres raisons », l’équipe a pu ainsi valider le principe de ce système en tant que plateforme pour tester « n’importe quel composé médicamenteux et, en six semaines, montrer s’il est possible ou non de poursuivre les recherches ». Et, théoriquement, ce système pourrait permettre de « prédire qui pourrait développer la maladie d’Alzheimer », en l’utilisant à partir des cellules de l’individu. Ce qui rendrait possible des « interventions préventives individualisées », même si « nous sommes encore loin d’atteindre cet objectif » estime le Pr. Nizetic.
Par ailleurs, les scientifiques ont identifié le gène BACE2 comme inhibiteur naturel de la maladie d’Alzheimer. « Agissant de manière similaire aux gènes suppresseurs de tumeurs dans le cancer, l’activité accrue de ce gène contribue à la prévention/au ralentissement de la maladie d’Alzheimer dans le tissu cérébral humain, et pourrait à l’avenir être utilisée comme biomarqueur pour déterminer le risque de développer la maladie, ou comme nouvelle approche thérapeutique en renforçant son action. »
Ces découvertes, permises par la participation de personnes porteuses de trisomie 21, « pourraient bénéficier aux personnes, porteuses ou non de trisomie 21, pour la prévention de la maladie d’Alzheimer ». « La Down’s Syndrome Association (UK) a apporté un soutien et une aide essentiels au recrutement des participants à l’étude. » Pour Carol Boys, directrice générale de l’association, « ce sont des résultats passionnants obtenus par un groupe de chercheurs extrêmement éminents et un nouveau petit pas vers une éventuelle intervention et un traitement de la maladie d’Alzheimer ». « L’Association du syndrome de Down est ravie d’avoir pu soutenir ce brillant travail » affirme-t-elle.
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[1] Patient-specific Alzheimer-like pathology in trisomy 21 cerebral organoids reveals BACE2 as a gene-dose-sensitive Alzheimer’s-suppressor in human brain, Molecular Psychiatry (2020). DOI: 10.1038/s41380-020-0806-5 , www.nature.com/articles/s41380-020-0806-5
Medical Xpress, Queen Mary, University of London (09/07/2020)