Un donneur de sperme et 550 naissances

Publié le 27 mars 2023
Un donneur de sperme et 550 naissances

Aux Pays-Bas, un donneur de sperme doit être traduit en justice dans le cadre d’une procédure civile qui vise à le faire arrêter ses « dons ». En effet, l’homme âgé de 41 ans et originaire de La Haye pourrait être à l’origine de « plus de 550 » naissances à travers le monde. Les accords conclus avec les cliniques et les futurs parents stipulaient pourtant une « limite de 25 enfants ».

En 2017, l’association néerlandaise des gynécologues NVOG avait mis en garde contre Jonathan Jacob Meijer. Déjà 102 naissances obtenues par l’intermédiaire de 10 cliniques différentes avaient été recensées. Placé sur « une liste noire », il a cependant continué son « activité », notamment Danemark et en Ukraine, et via des sites internet (cf. Don de sperme : « Be your own boss » !).

Eva, une femme néerlandaise qui a pu concevoir un enfant avec le sperme de l’accusé, témoigne : « si j’avais su qu’il avait déjà engendré plus de 100 enfants, je ne l’aurais jamais choisi ». « Quand je pense aux conséquences que cela pourrait avoir pour mon enfant, j’en ai mal au ventre », ajoute-t-elle. « Les enfants ont du mal à gérer la situation lorsqu’ils savent que leur père biologique a conçu des dizaines d’enfants et qu’ils ont autant de demi-frères et de demi-sœurs », explique Ties van der Meer, président de la fondation Donorkind qui poursuit Jonathan Jacob Meijer, avec Eva.

Inquiets de la « possibilité d’inceste et de consanguinité » (cf. Son père a vendu a « vendu 500 fois son sperme », il est obnubilé par le spectre d’un inceste), Eva et la fondation Donorkind veulent maintenant que Jonathan Jacob Meijer cesse de faire des dons et qu’il indique précisément à quelles cliniques il a eu affaire. Ils demandent également que « tout son sperme encore stocké soit détruit, à moins qu’il n’ait été réservé à une femme ayant déjà un de ses enfants ».

Actuellement les Pays-Bas travaillent à l’établissement d’un « registre central des donneurs de sperme ». Ils ont modifié les règles de sorte qu’un donneur ne puisse fournir du sperme qu’à 12 femmes au maximum, contre 25 femmes auparavant.

Complément du 17/04/2023 : Le tribunal de La Haye a entendu les parties jeudi dernier. L’accusé a déclaré qu’il considérait son approche comme « un tout nouveau concept ». Son avocat a tenté de faire valoir que « les individus disposent d’une autonomie sur leur propre corps et ont le droit de créer la vie », ce qui contraindrait le tribunal à ne pas pouvoir imposer d’interdiction. Le verdict est attendu le 28 avril.

Complément du 28/04/2023 : Le 28 avril, un juge du tribunal de La Haye a interdit à Jonathan Jacob Meijer de donner à nouveau son sperme. Il l’a condamné à payer 100 000 euros par cas s’il enfreint l’interdiction. « Les intérêts des enfants du donneur et de leurs parents l’emportent sur l’intérêt du donneur à continuer à donner du sperme à de nouveaux parents potentiels » précise l’arrêt.

Complément du 04/02/2025 : Jonathan Meijer est à nouveau poursuivi pour « tenter de rentrer en contact avec les enfants issus de ses dons, notamment via sa chaîne YouTube ». Natalie Dijkdrenth, la mère d’un enfant issu d’un de ses dons et la Fondation néerlandaise Donorkind sont à l’origine du recours. Ils dénoncent le contenu de certaines vidéos où le Néerlandais incitent ses auditeurs à procréer « avec des personnes qui leur ressemblent ».

« Jonathan se considère comme une sorte d’oncle, mais de cette façon, il élève “ses” enfants à distance, il essaie d’acquérir un rôle dans nos familles », reproche Natalie Dijkdrenth. Il « s’adresse aux enfants à travers ses messages sur YouTube et fait des déclarations – sans consultation des parents – sur des questions qui font partie de leur éducation », déplore en outre la Fondation Donorkind. « Les enfants peuvent ainsi être désorientés ou vivre un conflit de loyauté. ».

Pour Natalie Dijkdrenth, « certains de ces enfants sont à un âge où ils sont influençables » et, « en tant que donneur, il exerce un attrait immérité ».

Les requérants demandent qu’il cesse de publier ces vidéos et la fermeture de sa chaine YouTube. Pour l’avocat de Jonathan Meijer, cela constituerait une « restriction excessive de son droit à la liberté d’expression ». Les parties ont dix jours pour trouver un accord.

Complément du 03/03/2025 : Le 25 février, un juge de La Haye a ordonné à l’homme de 43 ans de retirer toute vidéo dans laquelle il s’adresse directement aux enfants ou fait des commentaires négatifs sur leurs parents, faute de quoi il sera redevable d’une amende de 10 000 euros par jour, jusqu’à un maximum de 100 000 euros.

 

Sources : Dutch News (26/03/2023) ; NL Times (13/04/2023) ; AP news (28/04/2023) ; Le Figaro, Sidonie Rahola-Boyer (03/02/2025) – Photo : iStock