Espagne : l’Exécutif réclame la liste des médecins refusant de pratiquer des IVG
En Espagne, alors que le gouvernement est en train de préparer le texte qui devrait être présenté mardi ou mercredi prochain au Conseil des ministres afin d’inscrire l’avortement dans la Constitution espagnole[1] (cf. Espagne : vers l’inscription de l’avortement dans la Constitution ?), le Premier ministre a demandé officiellement aux gouvernements régionaux de constituer des listes recensant les médecins refusant de pratiquer des IVG.
Dans une lettre adressée aux présidents de l’Aragon, des Asturies, des Baléares et de la Communauté de Madrid, Pedro Sánchez leur donne 3 mois pour créer un registre des médecins objecteurs, une disposition prévue par la loi de 2023 et approuvée par le Conseil interrégional du système national de santé en décembre 2024 (cf. Espagne : les avortements en hausse de 9% en 2022 ; Espagne : des mesures régionales pour limiter l’avortement). Les autres régions se sont exécutées. En cas de manquement, le Premier ministre envisage un recours administratif ou bien auprès du Tribunal constitutionnel.
Madrid fait de la résistance
Trois de ces quatre régions se sont « empressées » de confirmer qu’elles travaillaient déjà à la création de ce registre. La présidente madrilène a toutefois montré des résistances (cf. Avortement et liberté d’expression : deux maires, deux choix).
« En 2024, il y a eu 106 000 avortements », souligne Isabel Díaz Ayuso. Ce qui constitue « un échec en tant que société ». « Je défends le fait qu’en Espagne on ne poursuive personne pour avorter ou ne pas le faire, et qu’on ne poursuive, ni ne signale personne qui pratique un avortement ou ne veut pas en pratiquer en tant que professionnel de santé », explique la présidente de la Communauté de Madrid. « Contraindre un professionnel de santé ou le stigmatiser car il fait ou arrête de faire me parait non conforme à une démocratie libérale », tance-t-elle.
Chez les médecins, la peur d’être discriminé
La ministre de la Santé, Mónica García, veut rassurer : « le registre des objecteurs n’est pas destiné à poursuivre les objecteurs » mais à « garantir que ceux qui ne sont pas objecteurs puissent exercer leur non-objection », et puissent le faire dans des établissements publics.
Mais les médecins sont inquiets. Les présidents des associations professionnelles de Madrid et des Baléares craignent en effet que ces listes soient utilisées pour « discriminer ». Pour Manuel Martínez-Sellés, président du Collège des médecins de Madrid, il est « difficile de penser » qu’il y ait « une intention différente » de celle de limiter l’objection de conscience. Or elle est protégée par la Constitution espagnole et la Charte européenne des droits fondamentaux : il ne s’agit pas seulement de permettre d’objecter mais de garantir que « l’objecteur ne soit pas discriminé car il le fait » (cf. L’objection de conscience : un droit fondamental parce qu’elle est un devoir).
Si ces listes ne sont pas utilisées pour discriminer, qu’on explique à quoi elles vont servir, interpelle Manuel Martínez-Sellés. Car « c’est la première fois qu’on requiert des listes de personnes qui ne veulent pas faire quelque chose ». Si ce que veut le Gouvernement c’est organiser la pratique de l’avortement, demander des listes de professionnels disposés à pratiquer des avortements aurait plus de sens.
[1] avec un ajout à l’article 43.3
Sources de la synthèse de presse : El País, Carlos E. Cué (13/10/2025) ; euronews, Lucia Blasco (10/10/2025) ; La Moncloa, Consejo de Ministros (07/10/2025) ; The European conservative, Javier Villamor (07/10/2025) ; Infobae, Lydia Hernández Téllez (08/10/2025) ; El País, Elsa García de Blas et Carlos E. Cué (07/10/2025) ; El Debate, María Fernández (07/10/2025) ; ABC, Elena Calvo (07/10/2025)