Euthanasie, le dernier acte ? Une éthique des renoncements – Emmanuel Hirsch
« Une nouvelle marche humaniste dans les pas des grandes avancées sociétales de ces dernières décennies »[1] ? Avec l’ouvrage Euthanasie, le dernier acte ?, Emmanuel Hirsch, professeur émérite d’éthique médicale à l’Université Paris Saclay et membre de l’Académie nationale de médecine, dénonce au contraire « la conclusion d’une cascade de renoncements ». « Epurer avec bonne conscience l’espace public en donnant à croire que le droit à mourir sur ordonnance et de ne plus souffrir est l’ultime conquête dont nous serions éthiquement capables est le constat accablant d’une déroute de la pensée. »
Auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, Emmanuel Hirsch signe « un dernier acte », « une dernière tentative », « marqué par la conviction que l’éthique de l’euthanasie est une éthique des renoncements ». Avec finesse et lucidité, le professeur dénonce les postures, les vaines promesses d’un « modèle français » qui ne connaitrait pas de dérives, un nouveau « catéchisme » auquel on devrait adhérer à moins de faire preuve d’inhumanité.
Car les risques de cette « rupture » « décisive et irréversible » sont majeurs. Emmanuel Hirsch alerte : « les personnes les plus vulnérables si dépendantes de nos choix ou de nos renoncements politiques, n’ont jamais été aussi fragilisées par ce qu’elles perçoivent des débats actuels au parlement ». « Leur cause sera-t-elle encore digne d’être respectée, leur vie digne d’être reconnue comme inaliénable, dès lors que le législateur conviendra des dispositifs permettant d’autoriser la mort provoquée à la demande de la personne qui, en fait, ne supporte plus la souffrance d’exister parmi nous, de subir cette incompréhension et ce mépris ? », interroge-t-il.
« Rien à voir avec la demande philosophique d’une mort « dans la liberté », « dans l’égalité », « dans la fraternité », si ce n’est que la responsabilité politique devrait tout d’abord s’exercer dans la prévention d’une mort « dans la précarité », « dans l’inégalité », « dans la marginalité », pour ne pas dire « dans l’indignité » sociales et économiques », interpelle Emmanuel Hirsch. « Au-delà de l’emphase, de la rhétorique, des résolutions de principe, des engagements de prudence et de respect des équilibres, si affirmer nos valeurs de société auprès de celui qui souffre et qui va mourir c’est lui promettre qu’il bénéficiera de l’engagement solennel d’une assistance pour qu’il meure à sa demande – faute, si souvent de reconnaitre sans conditions « d’autres besoins humains, d’autres espoirs [qui ont été] reconnus à travers la vie » – nous aurions consenti à un renoncement moral qui défigurerait l’image de notre démocratie ». Souscrirons-nous à cette « tolérance qui apparait comme une reddition » ?
Et « comment admettre, en 2025, cette urgence à légiférer non pas sur nos obligations politiques et sociales à l’égard des personnes qui vivent souvent dans l’isolement et avec un sentiment d’exclusion de l’espace public le parcours dans la maladie, les handicaps ou la vieillesse, mais sur l’euthanasie et le suicide médicalement assisté ? »
Emmanuel Hirsch propose une réflexion approfondie pour éclairer les enjeux de la législation en matière de fin de vie. Et au-delà, un questionnement indispensable sur les « innovations » toujours plus promues en matière de bioéthique, « valorisées comme les dernières victoires politiques tangibles au moment où s’effondre la puissance publique ».
Editions : Cerf
Date de publication : 29/09/2025
Nombre de pages : 240
[1] Propos tenus par le député Stéphane Delautrette lors du vote solennel des deux propositions de loi relatives à la fin de vie, intervenu le 27 mai 2025 à l’Assemblée nationale