Sylviane Agacinski : Face aux enjeux bioéthiques, « le droit ne peut pas perdre sa mission civilisatrice »

Publié le 22 Mar, 2018

Dans une interview accordée au Figaro, Sylviane Agacinski revient sur les questions autour du don d’organes. Elle établit un lien « entre la médecine de procréation et la médecine de transplantation », l’une et l’autre faisant appel à de nouvelles techniques : Fiv et transfert d’embryon d’un côté, technique de prélèvement et greffe de l’autre. « Cependant, ni les cellules germinales (les gamètes) ni les organes transplantables ne se trouvent dans la nature, et le corps humain, en principe, n’est pas, ou pas encore, un gisement exploitable de «ressources biologiques». Aussi faut-il recourir à des pratiques sociales spécifiques, c’est-à-dire obtenir le concours de tierces personnes qui acceptent de donner quelque chose de leur propre corps, de leur vivant ou après leur mort ».

 

Elle remet en question le consentement présumé qui est désormais le cadre des prélèvements d’organes post-mortem. Il « vise à se passer du consentement réel et explicite » ; « le don solidaire » fait place à « un prélèvement d’office ». Pour Sylviane Agacinski, « si le défunt n’a rien dit de son vivant, il n’est pas humain d’exclure totalement l’assentiment d’une famille en deuil. Le souci d’efficacité ne justifie pas tout ».

 

Entre le don d’organes et le don de gamètes, la philosophe souligne une différence de taille : « le don d’organes répond à un impératif thérapeutique » tandis que le « don de gamètes répond, jusqu’ici, à des problèmes médicaux d’infertilité » ; il contribuera à la naissance d’un enfant. Le don de gamètes exige de ce fait une révision des principes qui sont liés au don.

 

Enfin, devant les enjeux bioéthiques, elle estime qu’« il n’y a pas de relativisme moral qui tienne. Si aucun principe commun, comme le respect de la personne et de son corps, n’inspire les lois, tout est possible, car la science et la technique, en elles-mêmes, sont indépendantes des valeurs propres à l’éthique. Inversement, les principes éthiques et juridiques ne sont pas démontrables à l’aide d’une démonstration scientifique ». Elle met en garde contre « d’autres fourvoiements », qui conduiraient par exemple à une collaboration de la médecine « aux marchés de la personne », rappelant que la logique économique « se nourrit de nos désirs et nous incite à désirer tout ce qui peut se produire et s’acheter, quitte à changer les lois pour produire et vendre sans entraves. Face à cette menace, le droit ne peut pas perdre sa mission civilisatrice ».

 

Enfin face à l’abondance des sondages, l’auteur considère que « s’il est important de connaître l’état de l’opinion, encore faudrait-il l’éclairer sur les enjeux des questions de droit, notamment sur les droits de l’enfant et celui des femmes ». Elle ajoute : « Ce n’est pas l’opinion qui fait les lois dans notre démocratie, c’est l’autorité législative institutionnelle, c’est-à-dire le Parlement. C’est aussi au président de la République et au gouvernement d’assumer leur responsabilité sur des sujets aussi essentiels » avant de conclure : « Rien n’est encore perdu ».

Le Figaro, Eugénie Bastié et Vincent Trémolet de Villiers (22/03/2018)

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