« Soin d’affirmation de genre » : une formulation dangereuse

Publié le 14 octobre 2025
« Soin d’affirmation de genre » : une formulation dangereuse
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« Soin médical d’affirmation de genre » : la formule fait autorité. La Haute Autorité de Santé (HAS) parle de « traitements hormonaux d’affirmation de genre » et de « soin de transition »[1], des termes directement inspirés par les recommandations de la WPATH (cf. Changement de genre chez les mineurs : la WPATH « coupable » d’une « fraude scientifique majeure et inqualifiable)[2].

On rencontre l’expression « soin d’affirmation de genre » dans des domaines aussi variés que les recommandations d’instances scientifiques, les lois et l’éducation (cf. Le programme Evars d’« éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité » de la maternelle à la terminale sera mis en place dans tous les établissements à la rentrée 2025) – avec une couleur normative. Il faut « affirmer le genre », et le terme « soin » a bien sûr une connotation nécessairement positive (cf. Transition de genre » : les recommandations de la HAS « confirment le mouvement actuel de réquisition de la médecine pour répondre aux désirs individuels ).

Pourtant, la formulation mérite un examen critique. C’est la tâche à laquelle s’est attelé l’avocat Christian O’Connell dans un article récemment publié dans la revue Voices in Bioethics[3].

Sa critique de la notion même de « soin médical d’affirmation de genre » est radicale. Selon Christian O’Connell en effet, loin d’être inoffensive, elle bouleverse notre compréhension de notions aussi cruciales que la vérité, la médecine et la bienveillance. Soyons-y attentifs car l’enjeu est important : en bioéthique, des définitions sémantiques précises sont un prérequis à l’élaboration de politiques justes et cohérentes.

Qu’est-ce qui est affirmé avec l’« affirmation de genre » ?

D’après le Larousse, « affirmer », c’est « assurer fermement la véracité de quelque chose ». Quelque chose est vrai et un locuteur l’énonce comme tel. S’il faut affirmer le « genre » d’une personne, cela signifie que ce « genre » est une réalité cachée qui ne correspond pas aux organes sexués immédiatement visibles. Or, comme le rappelle Christian O’Connell, la personne humaine est un tout, son sexe biologique est l’un des aspects de sa personne et ne peut être isolé, ni éliminé, du reste (cf. La vérité sur l’homme : comment aborder la dysphorie de genre).

A moins que… et si la transidentité correspondait à une réalité biologique ? D’aucuns citent des études qui montrent que certaines personnes transgenres présentent des caractéristiques du cerveau semblable à celles de l’autre sexe[4]. Des études toutefois critiquées pour leurs insuffisances méthodologiques[5]. Une minorité de femmes présentent du reste la taille ou la masse musculaire de certains hommes. On observe chez une minorité d’individus des écarts importants par rapport à la moyenne de leur sexe, cela ne remet pas en question leur appartenance à la catégorie homme ou femme.

Dans notre société, où les imaginaires sont saturés de technologie, on ne se contente plus de constater la réalité du monde physique. Le réel est un matériau brut qui doit être remodelé pour satisfaire les désirs. On « affirme » une identité… on peut ajouter que dans une logique similaire, on « affirme » un lien de filiation… et le réel s’exécute.

Un « soin médical », vraiment ?

Il est évident que l’objet de la médecine est de maintenir ou rétablir un état de santé satisfaisant, ce qui implique notamment un bon fonctionnement des organes du corps et une absence de douleur. Néanmoins les « soins » d’« affirmation de genre » n’ont pas pour objet de soigner une maladie – ce que l’on appelle aujourd’hui « transidentité » n’étant officiellement plus considéré comme une pathologie[6] – ils doivent soulager une souffrance. Il est vrai que certains patients témoignent d’une amélioration de leur bien-être psychologique après l’intervention, mais cela n’est pas le cas de tous, loin s’en faut (cf. Les chirurgies de changement de genre associées à une augmentation des suicides). Et apaiser la douleur ne se fait pas à n’importe quel prix.

Dans le cas de la « transidentité », les médecins traitent une souffrance psychique dont rien ne dit qu’elle sera durable – surtout lorsqu’il s’agit de patients de moins de 25 ans – avec un traitement dont les effets négatifs sont irréversibles (cf. Genre : le « malaise » chez les jeunes ne perdure pas). Précisons que lorsqu’une jeune fille commence à prendre de la testostérone après une visite au Planning familial, il suffit de 3 mois pour que sa voix soit irrémédiablement celle d’un homme. Les bloqueurs de puberté altèrent le développement des os et de tous les organes du corps, ralentissent la croissance et accroissent les risques d’ostéoporose. Lorsqu’à la prise d’hormone s’ajoute une ablation de l’appareil génital, les patients deviennent bien sûr irrémédiablement stériles[7]. Leur fertilité avait déjà été compromise par la prise de bloqueurs de puberté et d’hormones du sexe opposé.

Dans tout autre contexte, personne ne songerait sérieusement à soigner la dépression ou le syndrome de trouble post-traumatique par des méthodes qui entraînent des handicaps. Du moins pas depuis l’abandon de la lobotomie. Même si l’on considère que la souffrance des jeunes se déclarant transgenres est pérenne, la médecine impose un rapport de proportionnalité : les dommages liés à une intervention doivent être évalués au regard des bénéfices prévus (cf. Transition de genre » : des « études » sous influence). Laisser un patient aussi fragilisé qu’après une « affirmation de genre » devrait être réservé aux cas où le pronostic vital est engagé. C’est d’ailleurs parfois l’argument : la menace du suicide est invoquée pour obtenir l’adhésion des parents[8].

L’autonomie du patient, mais pas à ses dépens

Les partisans des « soins d’affirmation de genre » balaient ces considérations d’un revers de main au nom de l’autonomie des patients. L’OMS est attentive à ce sujet et définit cette notion comme la capacité « à maîtriser sa volonté à consentir ou non à un traitement, à suivre ou non les recommandations ou les conseils du soignant. Elle présuppose la capacité de juger »[9]. Il n’en reste pas moins qu’un « traitement » proposé doit correspondre aux principes d’éthique médicale élémentaire énoncés plus haut. Les cas célèbres de personnes qui ont demandé à être amputées d’une jambe saine nous le rappellent. Elles n’ont pas « obtenu gain de cause »[10] !

Christian O’Connell rappelle enfin que la médecine n’est pas un service qui obéit aux logiques consuméristes de « je demande, je paie (ou non, grâce à la prise en charge au titre des affections longue durée) : j’obtiens ». Les patients ne sont pas des consommateurs et la médecine n’a pas pour objet la recherche du profit via la satisfaction immédiate des désirs de ses clients.

La formulation « soin d’affirmation de genre » brouille des repères essentiels dans notre compréhension de ce que doit être la médecine. Au-delà de l’impératif de protéger les mineurs dans leur intégrité physique, s’impose un travail de remise à l’endroit du langage.

[1] HAS, Transition de genre : la HAS publie les premières recommandations sur la prise en charge médicale de l’adulte, Communiqué de presse publié en ligne le 18 juillet 2025

[2] WPATH, Standards de soins pour la santé des personnes transgenres et de la diversité de genre, version 8 , publié en ligne le 15 septembre 2022

[3] Christian O’Connell, JD, “Is « Gender-Affirming Medical Care » Any of These? Defining Affirmation, Medicine, and Care in Context”, Voices in Bioethics, 2025 (vol. 11) https://doi.org/10.52214/vib.v11i.14187

[4] Representative neuroimaging reports include J.-N. Zhou et al., “A Sex Difference in the Human Brain and Its Relation to Transsexuality,” Nature 378, no. 6552 (1995): 68–70, https://doi.org/10.1038/378068a0; F. P. M. Kruijver et al., “Male-to-Female Transsexuals Have Female Neuron Numbers in a Limbic Nucleus,” Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism 85, no. 5 (2000): 2034–41, https://doi.org/10.1210/jcem.85.5.6564; Giuseppina Rametti et al., “White Matter Microstructure in Female to Male Transsexuals before Cross-Sex Hormonal Treatment: A Diffusion Tensor Imaging Study,” Journal of Psychiatric Research 45, no. 2 (2011): 199–204, https://doi.org/10.1016/j.jpsychires.2010.05.006.

[5] Alberto Frigerio, Lucia Ballerini, and Maria Valdés Hernández, “Structural, Functional, and Metabolic Brain Differences as a Function of Gender Identity or Sexual Orientation: A Systematic Review of the Human Neuroimaging Literature,” Archives of Sexual Behavior(advance online publication, May 6, 2021) (noting small samples, cross-sectional designs, analytic heterogeneity, and potential confounding by sexual orientation and prior hormone exposure), https://doi.org/10.1007/s10508-021-02005-9

[6] « Dans le DSM 5, le trouble de l’identité de genre est transformé en dysphorie de genre (…) dans une volonté de déstigmatiser le plus possible ces personnes qui souffrent d’une non congruence de leur sexe de naissance avec leur identité (sociale) de genre et par là, de participer au mouvement de « dépathologisation » d’une condition », explique le Dr Gallarda sur le site du 17e Congrès français de psychiatrie

[7] Pour plus de détails sur les conséquences des transitions médicales et la question de l’utilité de ces traitements dans l’amélioration de la santé mentale des mineurs, voir Les Ravages du genre de Pauline Arrighi, éditions du Cerf, 2023

[8] Pour une critique détaillée du « mythe du suicide » des jeunes transgenres, voir Les Ravages du genre de Pauline Arrighi, éditions du Cerf, 2023

[9] « Réflexions éthiques sur le principe de l’autonomie du patient » Marianne Bracconi, Christian Hervé et Philippe Pirnay, Eastern Mediterranean Health Journal, Volume 23, 2017, cité sur le site web de l’OMS

[10] Le Monde, Marc Gozlan, Quand un patient désire se faire amputer d’un membre sain (24/06/2019)