Des chercheurs identifient un moyen d’influencer « le destin d’une cellule »

Publié le 4 novembre 2025
Des chercheurs identifient un moyen d’influencer « le destin d’une cellule »
© iStock - quantic69

Des chercheurs ont compris comment des unités de stockage cellulaires appelées « corps P » influencent fortement le destin d’une cellule. En manipulant les corps P, les scientifiques ont ainsi pu créer « efficacement » en laboratoire des types de cellules « difficiles à développer », notamment des cellules germinales (les cellules qui précèdent les spermatozoïdes et les ovules, cf. Gamétogenèse in vitro : des cellules iPS amorcent une méiose hors du corps) et des cellules totipotentes, capables de devenir n’importe quel type de cellule dans le corps (cf. Des cellules souches pluripotentes reprogrammées en cellules totipotentes).

« J’aime considérer cela comme de l’alchimie cellulaire », a déclaré Justin Brumbaugh, de l’université du Colorado, co-auteur de l’étude. « Si nous parvenons à comprendre comment manipuler le destin des cellules, c’est-à-dire comment transformer un type de cellule en un autre, tout un monde d’applications s’ouvrira à nous. Notre article jette les bases de cette avancée », assure le chercheur.

Les scientifiques ont publié leurs travaux dans la revue Nature Biotechnology[1].

Ramener les cellules à un stade de développement antérieur, « plus malléable »

Les chercheurs pensaient jusqu’ici que les corps P servaient en quelque sorte de « tiroir à déchets » pour la cellule, où l’ARN était « dégradé » lorsqu’il n’était pas utilisé. Mais cette étude a révélé que les corps P ressemblent davantage à des « bacs de stockage » organisés, avec différents types de cellules contenant différents types d’ARN qui, s’ils étaient libérés, auraient guidé la cellule vers un « destin » différent. « Nos travaux montrent que les corps P séquestrent les produits de certains gènes afin d’atténuer leur fonction et d’orienter les changements d’identité cellulaire », explique Justin Brumbaugh.

Les chercheurs ont notamment découvert que s’ils « perturbaient » les corps P ou ouvraient le « bac de stockage », ils pouvaient rendre ces instructions à nouveau lisibles et ramener les cellules à un stade de développement antérieur, « plus malléable ».

Un éventail d’applications ?

Parmi les applications envisagées, les scientifiques évoquent le fait de pouvoir obtenir des gamètes à partir des cellules germinales, obtenues en laboratoire grâce à ce processus (cf. Les cellules iPS : pour le meilleur mais aussi pour le pire ?). Et, « en théorie », les cellules totipotentes, dérivées de cellules somatiques comme les cellules cutanées, pourraient être utilisées pour « régénérer des organes ou des tissus » atteints par la maladie.

A plus court terme, ces travaux pourraient permettre d’étudier des pathologies. Ainsi, par exemple, des neurones pourraient être prélevés chez une personne atteinte de la maladie de Parkinson et « ramenés à leurs premiers stades de développement » pour examiner « ce qui n’a pas fonctionné ».

L’étude a également révélé que les ARN non codants appelés microARN jouent un « rôle essentiel » dans la détermination des ARN qui sont stockés à l’intérieur des corps P. La modulation de ces microARN pourrait déboucher sur de nouvelles thérapies, estiment les scientifiques.

« Maintenant que nous savons ce qui régit ce processus, nous pouvons le manipuler »

D’autres recherches sont déjà en cours.

« C’est passionnant de comprendre comment les choses fonctionnent », a déclaré Bruno Di Stefano, professeur adjoint au Centre de médecine régénérative et de cellules souches du Baylor College of Medicine et coauteur de l’étude. « Maintenant que nous savons ce qui régit ce processus, nous pouvons le manipuler. »

NDLR : Ces recherches utilisent des cellules souches embryonnaires obtenues à partir d’embryons « surnuméraires » issues de fécondation in vitro. Elles conduisent à leur destruction (cf. Les cellules souches expansées, une avancée ?).

La revue indique que la publication de ces chercheurs a été soumise à Jacob Hanna, un scientifique promoteur de la recherche sur l’embryon (cf. Une « feuille de route » pour des recherches sur l’embryon humain jusqu’à 28 jours ; « Embryons de synthèse » humains : les annonces se multiplient).

[1] Pessina, P., Nevo, M., Shi, J. et al. Selective RNA sequestration in biomolecular condensates directs cell fate transitions. Nat Biotechnol (2025). https://doi.org/10.1038/s41587-025-02853-z

Source de la synthèse de presse : Université du Colorado, Lisa Marshall (03/11/2025)