Révision de la loi de bioéthique : vers une « indemnisation » des donneurs de gamètes ?
La révision de la loi de bioéthique approche (cf. Etats généraux de la bioéthique en 2026 : le CCNE retient 10 thèmes), et les revendications émergent. Parmi elles, l’« indemnisation » des donneurs de gamètes.
Le 16 octobre, un article du Monde[1] expliquait que l’idée de « l’indemnisation des donneuses d’ovocytes » « f[erait] son chemin chez des professionnels de la procréation médicalement assistée » qui « tentent de faire entendre leur voix » (cf. L’ANDDE : une association militante qui veut peser sur la prochaine loi de bioéthique). Quelques jours plus tard, la presse réunionnaise défendait également cette idée [2].
« Valoriser » un « geste altruiste » ?
Pour Mikaël Agopiantz, médecin de la reproduction au CHU de Nancy et également président de l’Association nationale du don d’engendrement (ANDDE) – qui entend peser sur les futurs débats – une indemnisation permettrait de « valoriser » ce « geste altruiste ».
« Examens médicaux, prises de sang, échographies, stimulation ovarienne, ponction sous anesthésie au bloc opératoire… » Le « geste altruiste » implique un lourd parcours médical. Une vérité souvent occultée par les campagnes de communications de l’Agence de la biomédecine (cf. « Faites des parents » : l’ABM fait aussi sa rentrée).
« Indemnisation » ou rémunération ?
« Parce que nos délais d’attente sont trop longs, on envoie nos patientes dans des cliniques espagnoles, qui ont des ovocytes, et font payer 8 000 à 10 000 euros le parcours », s’agace Michaël Grynberg, gynécologue-obstétricien. « La Sécurité sociale rembourse même 1 500 euros à la patiente dans ce cas ! » Selon le médecin, cet argent serait mieux utilisé à « dédommager les donneuses ». Et pour éviter le « caractère lucratif », il suffirait de limiter le nombre de dons au cours de la vie (cf. Etats-Unis : elle vend ses ovocytes pour rembourser son prêt).
Car bien sûr tous ces professionnels se refusent généralement à employer le mot « rémunération » (cf. Indemnisées ou rémunérées ? Les donneuses d’ovocytes belges touchent jusqu’à 2000 € par don ; Une start-up américaine offre la congélation des ovocytes… en échanges de gamètes). Le professeur Thomas Fréour, co-fondateur de l’ANDDE avec le Dr Agopiantz, n’a, lui, pas hésité à annoncer vouloir « rouvrir le débat sur la rémunération des donneurs »[3].
Une demande en augmentation
La demande, elle, est vouée à augmenter. Une étude parue dans la revue Population Studies indique que les chances d’aboutir à une naissance sont plus importantes chez les femmes de plus de 43 ans[4] si les procédures de PMA ont recours à des ovocytes de donneuses[5]. En Europe, plus de 80 000 cycles de fécondation in vitro y font appel chaque année.
Alors que l’âge maternel à la première naissance continue d’augmenter, la demande d’ovocytes va vraisemblablement croitre, notent les chercheurs. La solution serait-elle de recourir toujours plus à la technique ? (cf. PMA : à la recherche d’une nouvelle « baguette magique » ? ; A Cambridge, des cours pour « éviter d’oublier d’avoir un bébé ») Ou d’interroger les facteurs qui conduisent les femmes à reporter leur première grossesse ?
La marchandisation du corps
En France, « les donneurs de sang ne sont pas rémunérés car le corps humain n’est pas une marchandise », rappelait François Toujas, alors président de l’Etablissement français du sang humain (cf. La rémunération des donneurs de sang, « un catalyseur favorisant la marchandisation des corps »). Il est interdit d’en faire commerce [6]. Or la rémunération des donneurs est un « catalyseur favorisant la marchandisation des corps (organes, cellules souches…) », juge-t-il.
Après les gamètes, à quoi le marché s’attaquera-t-il ? (cf. Règlement SoHO : l’Union européenne encourage discrètement un marché de l’embryon)
[1] Le Monde, Solène Corider et Camille Stromboni, PMA : face au manque de donneuses d’ovocytes, l’idée d’une indemnisation fait son chemin (16/10/2025)
[2] « Alors face à la pénurie, faut-il repenser le modèle du don ? Voire payer les donneurs comme cela se fait dans certains pays », L’info.re, Don de gamètes : 540 personnes en attente à La Réunion (22/10/2025)
[3] Ouest France, Philippe Richard, PMA : « Il y a des solutions contre la pénurie de gamètes », estiment ces spécialistes (21/08/2025)
[4] Le taux de succès est « inférieur à 5% » dans cette tranche d’âge
[5] Medical Xpress, Donor eggs drive most IVF successes for women over 43, major UK study finds (27/10/2025)
[6] « Aucun paiement, quelle qu’en soit la forme, ne peut être alloué à celui qui se prête au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte de ses produits. » Article L1211-4 du Code de la santé publique